À 76 ans, le bouc et le sourcil blanchis, la moustache broussailleuse, Michel Fourniret, du haut de son mètre 68, apparaît vieilli et dur d’oreille dans le box des accusés de la cour d’assises des Yvelines, à Versailles, en jean et polo gris. Mais il a conservé son verbe tordu et se montre toujours aussi stratège dans ses oublis. Jugé depuis ce mardi pour l’assassinat de Farida Hammiche et le recel du magot du gang des postiches, l’ogre des Ardennes regarde droit devant le mari de sa victime. Celui-là même qui l’avait protégé en prison, lorsqu’ils partageaient la même cellule à Fleury-Mérogis (lire l’épisode 3, « L’étrange détenu Fourniret »). Assis au deuxième rang des parties civiles derrière ses avocats, Jean-Pierre Hellegouarch, l’ex-braqueur d’extrême gauche trahi par le tueur en série qu’il prenait pour un « mec inoffensif », attend son heure. Crâne rasé, veste kaki et pull noir de camionneur, le vieux voyou aux yeux verts tient à affronter l’assassin de son épouse. « C’est le face à face », me confie ce retraité du banditisme atteint d’une maladie dégénérative, fatigué : « Je ne ressens pas de haine, mais je ne veux plus qu’il respire le même air que moi, c’est tout. »
Jean-Pierre Hellegouarch connaît les procès de l’intérieur, mais plutôt depuis l’autre côté du box. Il écoute, acide, ses avocats Didier Seban et Corinne Herrmann lui expliquer les droits des familles de victimes. Sur les bancs des parties civiles se pressent aussi les deux frères de Farida, Abdel et Farid, et ses quatre sœurs, Dalila, Nora, Aïcha et Louiza, qui feuillettent un album de photos de famille. Et tout en haut, un homme asiatique en costume gris et lunettes, Yu Fung Lam, qui fut l’amant de Farida et qui est défendu par les mêmes avocats que Jean-Pierre Hellegouarch.

Face aux hommes de Farida Hammiche, qu’il a étranglée le 12 avril 1988, et dépouillée du stock d’or des Postiches (lire l’épisode 7, « Farida Hammiche, morte avant l’or »), Michel Fourniret déclare : « Je suis là pour apporter des réponses aux questions qui seront posées », même si, « lorsqu’il s’agit d’actes inexcusables, plus rien n’est à dire ». À ses côtés, séparée par un simple accoudoir en bois, son ex-troisième épouse, Monique Olivier, visage boursouflé et regard noir, opine du chef.