Il ne faut pas parler des Wildenstein aux Rosenberg. Les yeux se lèvent au ciel, les soupirs fusent, les mains s’agitent. « Cela fait de longues années qu’il n’y a plus aucun contact, ni aucune chaleur, entre nos familles », cingle la galeriste new-yorkaise Marianne Rosenberg. Autrefois partenaires, ces deux dynasties juives et pionnières du marché de l’art ont peu à peu pris leurs distances, au cours des années 1930. La Seconde Guerre mondiale a définitivement marqué leur rupture. Depuis, les deux lignées ont pris des chemins opposés. Aujourd’hui, les Rosenberg récupèrent, au compte-goutte, des œuvres qui leur ont été spoliées sous l’Occupation ; les Wildenstein, eux, enchaînent les procès et s’efforcent de garder la main sur une fortune évaluée entre 5 et 10 milliards d’euros. Depuis le 18 septembre, les héritiers Wildenstein comparaissent pour fraude fiscale devant la cour d’appel de Paris (lire l’épisode précédent, « Les Wildenstein, de père en fisc »). La somme que leur réclame le fisc est folle : 550 millions d’euros, le plus gros redressement de l’histoire de la justice française.
Installée à la terrasse d’un café parisien à deux pas de l’Hôtel de ville, Marianne Rosenberg ne veut pas commenter le feuilleton judiciaire de ses anciens amis. « Ils s’en sortent toujours », se borne-t-elle à lâcher. Il est vrai que les marchands d’art impressionnent, inquiètent ou fascinent le pouvoir politique. Dans les années 1960, le ministre des Affaires culturelles André Malraux