Dans l’Angleterre des années 1990, David Joel a un coup de foudre. Historien de l’art et ancien commandant de la Royal Navy, le collectionneur se prend d’amour pour un tableau. Une vue de la Seine bordée d’arbres. En bas à droite, la signature : Claude Monet. L’ancien militaire s’offre la toile pour l’équivalent de 46 000 euros et se met en tête de la faire authentifier. Il se retrouve face à un mur. La plus haute autorité en la matière ne reconnaît pas dans son Bords de la Seine à Argenteuil un véritable Monet. Le jugement de l’expert est indiscutable. Il s’appelle Daniel Wildenstein.
Non contente de régner depuis des décennies sur la vente d’œuvres d’art avec sa galerie new-yorkaise, cette dynastie de marchands d’art est empêtrée dans un imbroglio judiciaire depuis la mort de son patriarche Daniel Wildenstein en 2001. Le 18 septembre s’est ouvert à Paris un nouveau procès, dans lequel le fisc français réclame aux héritiers 550 millions d’euros. Une somme considérable, à la hauteur de la fortune présumée de la famille. Celle-ci aurait été dissimulée aussi bien dans des trusts étrangers, des chevaux de course ou encore un ranch au Kenya (lire l’épisode 1, « Les Wildenstein, de père en fisc »). En attendant la décision, la famille poursuit ses activités de vente d’œuvres avec sa galerie à New York, ainsi que son travail d’expertise par l’intermédiaire du Wildenstein Plattner Institute. Fondé en 2016, cet établissement a repris les affaires de l’institut historique de Daniel Wildenstein. L’organisme tout-puissant par lequel le marchand faisait, depuis le milieu du XXe siècle, la pluie et le beau temps sur les toiles impressionnistes.
C’est à ce titan du monde de l’art que s’est heurté David Joel. Vendre son tableau comme une œuvre de Monet sans en référer au Wildenstein Plattner Institute est possible. Cependant, aucun collectionneur ne se risquerait à acquérir un tableau non authentifié par les spécialistes de référence. Or, pour sanctionner une œuvre, les experts disposent d’un outil imparable : un catalogue raisonné. En l’occurrence, celui de Claude Monet édité par le Wildenstein Institute. Assemblé à la seule initiative d’un expert, le catalogue raisonné est souvent le fruit de longues années de recherches qui aboutissent à l’inventaire le plus complet possible de l’œuvre d’un artiste. Le travail peut s’avérer colossal.