Ainsi donc et à la surprise générale, Laurent Fabius et Alain Juppé n’ont-ils pas sauvé le monde. Le président du Conseil constitutionnel, l’ancien Premier ministre et les sept autres « Sages »
Alors non, passer par une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour cette réforme des retraites n’est pas inconstitutionnel, a jugé le Conseil : « Si les dispositions relatives à la réforme des retraites, qui ne relèvent pas du domaine obligatoire des lois de financement de la Sécurité sociale, auraient pu figurer dans une loi ordinaire, nuancent les Sages dans leur décision, le choix qui a été fait à l’origine par le gouvernement de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle. » Précisant qu’« il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard ». Évidemment, passer par cette loi de financement de la Sécu plutôt que par une loi spécifique sur la réforme des retraites avait un intérêt pour le gouvernement : celui de pouvoir dégainer le 49.3. En effet, l’article qui permet d’être perché, et de faire passer une loi sans vote, ne peut s’utiliser qu’une seule fois par session parlementaire, sauf pour un projet de loi de finances… et de financement de la Sécurité sociale. Oui, c’est un peu grossier, oui, ça s’est un peu vu, mais ce n’est pas contraire à la Constitution, a conclu le Conseil.
L’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel.
Idem pour l’accumulation de procédures qui, en plus du 49.3, a permis au gouvernement d’abréger les débats en limitant le débat parlementaire à cinquante jours (le 47.1) ou le nombre d’amendements (le 44 alinéa 3). Le Conseil y va de son petit taquet, « l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel», mais, là encore, ça « n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ».

Ironie aussi amère que la bouffée de lacrymo que n’ont pas manqué de se manger les manifestants qui, à l’annonce de la décision, se massaient de plus en plus nombreux dans le centre de Paris et dans d’autres villes de France, la loi se retrouve plus dure encore qu’à l’origine.