Benoît Coquard est membre du Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique). Pour sa thèse, soutenue en 2016, il a étudié les « appartenances et respectabilités populaires en milieu rural » dans le Grand Est. Il a pu constater la place centrale de la voiture dans les territoires où tout se vit désormais sur de longues distances : travail, amitiés et amours… Et mesurer à quel point les 80 km/h s’attachent à une culture de la route profondément ancrée.
Comment ont évolué les déplacements dans les territoires ruraux depuis vingt ans ?
Ceux qui restent y vivre sont plutôt les moins diplômés, car ceux qui vont faire des études supérieures quittent leur département rural quand il n’a pas d’université. C’est donc un milieu surtout peuplé par des classes populaires. Typiquement, ces jeunes ouvriers ou employés prennent leur voiture pour aller trouver un travail à des dizaines de kilomètres au lieu d’être embauchés dans l’usine du bourg, qui a bien souvent fermé. À ceci s’ajoute l’absence ou la suppression des lignes de bus, parce qu’il n’y a plus d’argent dans les départements ruraux en déclin, tandis qu’on demande une mobilité de plus en plus grande aux salariés aujourd’hui. L’investissement dans la voiture compense ce manque de transports publics et cette délocalisation des emplois.