Pierre Dordain n’ira pas au rassemblement des « gilets jaunes » organisé à Auxerre ce samedi, parce que « le samedi, c’est chasse ». Mais ça n’empêche pas ce directeur d’auto-école à la retraite, croisé il y a quelques mois lorsque j’étais allé dans le sud de l’Yonne pour comprendre la colère contre la limitation de la vitesse à 80 km/h (lire l’épisode 1, « La mort au tournant »), d’être « totalement d’accord » avec le mouvement autogéré censé agiter cette journée partout en France. « Sur le plan écologique, je ne suis pas du tout convaincu que le diesel pollue plus que l’essence, m’a-t-il dit avec le ton très sûr de lui qui le caractérise. Pendant des années, les pouvoirs publics ont dit qu’il polluait moins et là, tout d’un coup, il pollue plus, donc il faudrait qu’il soit plus cher ? Je trouve que l’écologie a bon dos. »
Après l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les nationales et les départementales, la question du prix du diesel, qui fait rouler une bonne majorité de voitures dans la campagne autour d’Auxerre, est venue achever de crisper les automobilistes. Beaucoup de choses se mêlent dans ce débat : une fiscalité écologique qui paraît soudainement imposée, une transition écologique mal accompagnée, les intentions pas claires du gouvernement avec la manne financière dégagée… Et encore l’impression que c’est Monsieur et Madame Tout-le-monde qui payent parce qu’ils n’ont de toute façon « pas d’autre choix » que de prendre leur voiture, selon Christian Moisset, le garagiste moustachu de Courson-les-Carrières, petit bourg dynamique situé à une petite demi-heure au sud d’Auxerre. « On a des papys ici qui font 2 000 kilomètres par an. Ils se servent juste de leur voiture pour faire les courses. Mais sans, ils font quoi ? Ils restent chez eux ? »
Derrière cette incompréhension, c’est le Rassemblement national (RN) et la droite populiste qui ramassent, même s’ils se défendent d’aider le mouvement citoyen des « gilets jaunes ». Julien Odoul, le jeune président du groupe RN à la région Bourgogne-Franche-Comté, peut ainsi surfer tranquillement sur le ressentiment. « Ce n’est pas le plein de Madame Bertrand à Villeneuve-sur-Yonne qui va porter préjudice à l’environnement, estime-t-il aujourd’hui. C’est le libéralisme sauvage, la pollution créée par les conteneurs qui sillonnent les océans, cette idée d’aller fabriquer moins cher à l’autre bout du monde pour consommer chez nous. »
Il y a une donnée qui fait pourtant de l’Yonne un département particulièrement intéressant sur ces questions d’énergie : il est situé dans le peloton de tête des territoires ruraux les plus équipés en bornes de recharge pour véhicules électriques.