Alexandre de Juniac aime faire des coups. À l’automne 2015, portant ses habituelles bretelles, le PDG d’Air France s’offre une escapade surprise. Il prend un plateau repas à la Cité Air France de Roissy, cantine où seuls se restaurent hôtesses, stewards et pilotes avant d’embarquer sur un vol. Accompagné de son éternel bras droit, le DRH Xavier Broseta qui a perdu une chemise un jour de négociation (lire l’épisode 1, « Le jour de la chemise »), Alexandre de Juniac s’installe un peu à l’écart avec un steak-frites. Un pilote assis non loin se souvient du silence qui a brièvement envahi la salle. « Venir manger là, alors que la direction de l’entreprise a sa propre restauration, ce n’est pas neutre, décrypte notre spectateur. Il y a un côté opération de com’ signifiant : “Je viens manger avec le peuple.” » Si c’est une opération séduction, elle tourne court. À la fin du repas, Juniac allonge un bras sur la table et pose sa tête dessus, comme un étudiant chevelu qui, dans un sommeil rêveur, fuit un cours obligatoire. Difficile de savoir si c’était un jeu ou la manifestation d’une grande lassitude… Mais personne ne l’a pris comme une marque de respect
, s’énerve encore aujourd’hui ce pilote.
C’est un trait de caractère du patron, il cache peu ses sentiments. Quand il négocie avec les représentants du personnel, si Juniac perçoit une ouverture allant dans son sens, il complimente. Lorsqu’une intervention l’agace, il souffle bien fort pour exprimer son impatience.