Depuis quelques mois, Jean-David Chamboredon est intarissable sur le marché américain du shampoing. « J’ai découvert qu’en fait il y en avait deux, explique-t-il. Celui des grandes surfaces et celui des ventes chez les coiffeurs, qui s’effondre, car le consommateur se dit : “Pourquoi payer si cher des produits disponibles sur Amazon ?” » Récemment, poursuit-il, une start-up, Prose, s’est mise en tête de chambouler tout ça : elle veut fabriquer des shampoings sur mesure, selon les caractéristiques capillaires de chaque client, que les coiffeurs pourraient vendre dans leurs salons. Jean-David Chamboredon croit tellement à ce nouveau business qu’il vient d’investir 1,7 million d’euros dans la jeune pousse. Qui eût cru que le cheveu cachait peut-être un eldorado ? « Aux États-Unis, c’est un marché à plusieurs milliards de dollars, commente-t-il, alors si on arrive à en prendre ne serait-ce qu’un petit peu, c’est déjà très bien. »
À la tête du fonds d’investissement Isai, Jean-David Chamboredon est, à 54 ans, l’un des « capital-risqueurs » les plus connus de France. Ces investisseurs – les « venture capitalists » en anglais, d’où leur surnom de « VCs » (prononcer « vissiz ») – sont des figures incontournables de la « start-up nation ». Avec les « business angels » et la banque publique d’investissement, ils financent les premières années de vie des jeunes pousses, lors des fameuses « levées de fonds ». Les « business angels » investissent souvent entre 50 000 et 500 000 euros, quand les start-up testent leur concept auprès de premiers clients. Isai prend le relais avec des « tickets » qui s’échelonnent entre 500 000 et plusieurs millions d’euros, pour qu’elles puissent réellement se lancer et développer leur chiffre d’affaires. Polytechnicien, Jean-David Chamboredon a travaillé une dizaine d’années pour le cabinet de conseil Capgemini, dont quelque temps dans la Silicon Valley. Il s’est lancé dans le capital-risque à son retour en France, à la veille de l’éclatement de la bulle internet. Le quinqua copréside aussi France digitale, principal groupe de pression de l’« écosystème start-up », ce qui fait de lui un interlocuteur du pouvoir, surtout depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Omniprésent dans les raouts du secteur, il promet toujours au public un discours « no bullshit » (sans conneries, sans enfumage) et s’illustre par ses pulls aux couleurs pimpantes, parfois relevés par des baskets blanches.
Le fonds Isai a été créé en 2009 par une demi-douzaine de patrons du web, dont Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur de PriceMinister, Stéphane Treppoz, PDG de Sarenza, et Geoffroy Roux de Bézieux, créateur de The Phone House et vice-président du Medef.