Où sont les femmes ? La question s’est posée dès les premiers épisodes de cette obsession, tant chaque territoire de la « start-up nation » exploré jusqu’à présent semblait dominé par les hommes. Un petit-déj chez 50 Partners (lire l’épisode 1, « Silence, ça jeune pousse ») ? Une assistance masculine à 80 %. L’incubateur parisien ne recense d’ailleurs que quatre femmes parmi ses cinquante « business angels ». Notre soirée avec la future aristocratie entrepreneuriale d’HEC (lire l’épisode 3, « HEC, pouponnière à start-up ») ? Six filles dans le public, 23 garçons. Quant à la start-up d’e-sport PandaScore (lire l’épisode 4, « PandaScore, espèce en voie d’expansion »), elle ne compte qu’une salariée sur quinze. Un reflet du manque criant de mixité du secteur. Sur 176 jeunes pousses interrogées pour le baromètre 2017 de l’association France Digitale, seules 10 % étaient dirigées par des patronnes. Les nouvelles technologies, dans leur ensemble, ne compteraient que 27 % de femmes, selon l’organisation patronale Syntec numérique.
L’« écosystème » accueille souvent ce constat avec fatalisme : le vivier de femmes désireuses d’y travailler, de créer une boîte ou de se lancer dans le capital-risque serait simplement insuffisant. « Quand 80 mecs postulent à une offre de data scientist, seules trois filles se présentent », arguait Flavien Guillocheau, fondateur de PandaScore. L’univers des bidouilleurs informatiques, comme celui de la prise de risques, resterait des affaires de bonhommes. À l’heure des #balancetonporc et autres #metoo consécutifs à l’affaire Weinstein, des voix s’élèvent pourtant pour décrire des mécanismes plus subtils qui tiennent les femmes à distance. Le monde des start-up, prompt à s’afficher comme progressiste et méritocratique, s’avère tout aussi imprégné de sexisme que les autres milieux professionnels.
Mecque mondiale de la high-tech, la Silicon Valley a émis des alertes dès le début 2017. En février, une ex-ingénieure d’Uber racontait sur son blog que des cas de harcèlement sexuel avaient été cachés sous le tapis par les ressources humaines. Ou, plus cocasse, que les femmes avaient été privées du blouson de cuir offert aux hommes de son département parce qu’elles étaient trop peu nombreuses pour que la direction obtienne des modèles féminins à prix réduit… En moins de deux ans, la part des femmes dans son service a chuté de 25 à 6 %. Son récit a contribué au limogeage du PDG, Travis Kalanick.