Dans son arrêt désormais historique du 24 juin « Dobbs v. Jackson Women’s Health » (lire l’épisode 22, « Interruption volontaire de démocratie »), le juge conservateur radical de la Cour suprême Samuel Alito invoquait le « trouble » (« turmoil ») créé par la jurisprudence Roe/Casey sur le droit à l’IVG comme motif majeur de son revirement. Mal décidée et mal argumentée, la décision « Roe v. Wade » de 1973 aurait, selon les termes de Samuel Alito, « enflammé les passions et approfondi la division » du pays sans rien régler de la question de l’avortement. Une semaine après la décision des six juges conservateurs, force est de constater que c’est plutôt elle qui est cause de chaos aux États-Unis. Contrairement aux espoirs de Samuel Alito et de ses alliés, la souveraineté complète rendue aux États fédérés quant à l’IVG n’a pas produit du tout la clarification escomptée.
Les choses avaient pourtant été bien préparées en amont. Depuis près de deux décennies, treize États conservateurs ont adopté des « lois cliquet » (« trigger laws ») visant à interdire totalement l’avortement dès que la Cour suprême, soigneusement recomposée par les derniers présidents républicains, aurait supprimé la garantie constitutionnelle contenue dans la jurisprudence Roe/Casey. Entre 2005 et 2007, sous la présidence de George W. Bush et alors que le juge Alito s’installe à la Cour suprême, la Louisiane, le Mississippi et les deux Dakotas adoptent ces lois cliquet. Ils sont bientôt rejoints sous l’ère