S’il est une tradition historique bien établie aux États-Unis, c’est, contrairement à la France, la disparition politique de tout président sortant ayant été battu à l’élection présidentielle – ou ayant renoncé à se représenter, tel un Lyndon Johnson en 1968. Dans une politique américaine dominée depuis un demi-siècle par les primaires partisanes de sélection d’un candidat et par le financement privé des élections, il est impensable qu’un ancien chef de l’État vaincu puisse rester un champion viable quatre ans après et obtienne une nouvelle fois la confiance des bailleurs de fonds tout comme celle des électeurs du parti. La défaite d’un président sortant est au contraire le moment d’une introspection politique et d’une redéfinition idéologique pour son parti. Ainsi, l’échec de George H. W. Bush en novembre 1992 face à Bill Clinton a été l’occasion rêvée pour la droite la plus conservatrice du parti républicain de rejeter l’héritage de ce président qui avait renié sa promesse de ne pas augmenter les impôts et avait nommé à la Cour suprême un juge sauveur inattendu du droit à l’avortement. Deux ans après, le représentant de Géorgie Newt Gingrich proposait pour les élections de mi-mandat 1994 son fameux « contrat pour l’Amérique », un programme de gouvernement qui prenait le contrepied flagrant de l’ancien président, en promettant toujours moins d’impôts, moins d’État et plus d’alignement avec le bloc évangélique sur les valeurs morales. Or, depuis l’investiture de Joe Biden comme 46e président le 20 janvier 2021 (lire l’épisode 1, « Trump passe le lambeau à Biden »), cette tradition est totalement rompue puisque le parti républicain, qui a aussi perdu le contrôle du Sénat à la suite des élections de novembre 2020, a choisi depuis lors de lier entièrement son sort politique à Donald Trump. Et cette union renforcée avec l’ex-président défait se fait sur un consensus aussi simple qu’irréel : il n’a pas perdu l’élection.