En 1980, la Caroline du Sud tient sa première primaire présidentielle républicaine, alors qu’elle a jusque-là désigné ses délégués par une convention locale aux mains du tout-puissant sénateur – et ancien ségrégationniste démocrate – Strom Thurmond. Ce choix ne doit rien au hasard mais tout à un jeune stratège conservateur, Lee Atwater, qui a incité son protégé, le représentant Carroll Campbell, à choisir la candidature de Ronald Reagan, favori à l’échelle nationale mais qui doit encore conquérir le Sud. Pour les deux hommes, il s’agit d’éviter que Strom Thurmond ne livre les délégués de l’État au rival de Ronald Reagan pour l’investiture, l’ancien gouverneur du Texas John Connally. Lee Atwater veut surtout une vraie campagne électorale, durant laquelle ses talents de spécialiste des coups tordus, souvent à connotation raciste, pourront s’épanouir. Et cela ne manque pas, la primaire vire au pugilat généralisé, grâce à des fuites distillées par le jeune stratège. La campagne de John Connally est ainsi accusée par celle de George H. W. Bush, également candidat, de promouvoir les droits des personnes gays et d’acheter les votes afro-américains. Ce mudslinging (« lancer de boue ») amène à la victoire de Ronald Reagan en Caroline du Sud, tremplin idéal vers son triomphe lors du Super Tuesday (qui rassemble un grand nombre de primaires) puis vers l’investiture républicaine. Par cette première mémorable, l’État acquiert le double statut de faiseur de roi conservateur et de mètre-étalon de la saleté des campagnes politiques américaines. En 2000, c’est ainsi que le fils de George H. W. Bush, George W. Bush, triomphera en Caroline du Sud grâce à la diffusion d’une rumeur sur son rival John McCain et sa supposée paternité d’un enfant illégitime métis. En 2012, ce sont de fausses cartes de vœux de Mitt Romney qui seront envoyées aux militants républicains avec des citations du Livre de Mormon afin de souligner l’hétérodoxie de la foi du candidat…