Autour de lui, les joueuses s’échauffent. Le coach, Christophe, leur fait faire des tours de terrain. Amaël chausse ses crampons. Dans cette équipe féminine de foot en Corrèze, il est gardien de but. « J’ai demandé à une copine de faire un entraînement avec elle en août 2020 et depuis je suis resté », raconte-t-il. D’une main, il attrape ses gants, jette un œil au ciel orageux et s’élance à son tour. Dans cette ambiance bienveillante et attentive, Amaël a eu l’espace nécessaire pour faire son coming out trans (lire l’épisode 2, « “Pour la première fois de ma vie, je me sens vraiment moi” »), en avril 2021.
« Mes coéquipières m’ont demandé si j’allais rester jouer avec elles, se remémore-t-il. C’était leur seule question et ça m’a beaucoup touché que le reste ne soit pas un sujet. » Seulement, Amaël se dit alors qu’en s’affirmant dans son identité de genre il devra trouver une autre équipe. Mais son entraîneur et lui appellent d’abord la Ligue de football de Nouvelle-Aquitaine. « On voulait savoir ce qu’on avait le droit de faire ou pas, explique Christophe. Surtout, on voulait être dans les clous. » Peu après, la décision tombe : Amaël peut rester. « Ils m’ont expliqué que tant qu’il y avait marqué “F” sur ma carte d’identité et que je ne suis pas en niveau élite, je peux jouer en féminine, ajoute Amaël, un sourire aux lèvres. Et comme de toute façon, je n’avais pas envie de faire mon CEC, ça tombe plutôt bien. » Le CEC, c’est le changement d’état civil, une procédure judiciaire durant laquelle une personne trans doit prouver que son genre est bien féminin ou masculin. C’est ensuite au tribunal de trancher si elle peut bénéficier d’un changement de sexe assigné sur ses papiers d’identité. Cette procédure, pour laquelle la stérilisation était obligatoire jusqu’en 2016, reste aujourd’hui encore un moment de discrimination et de violence (lire l’épisode 1, « “J’étais au tribunal pour défendre ma vie” »).
Je ne suis clairement pas meilleur depuis que je prends de la “T” [la testostérone, ndlr]. Je pense que j’ai même perdu en endurance.
Sur le terrain de foot en Corrèze, les brassards jaunes et orange fluo s’échangent. Deux équipes sont formées et l’entraînement commence. Amaël se place dans les buts et tente d’arrêter les tirs de ses coéquipières. « Je ne suis clairement pas meilleur depuis que je prends de la “T” [la testostérone, ndlr], balance-t-il, essoufflé. Je pense que j’ai même perdu en endurance. » Son coach sourit, le charrie et ajoute, plus sérieux : « Avant sa transition physique, Amaël avait une très bonne forme physique.