Avec son costume noir et sa fine cravate assortie, l’ensemble recouvert d’un caban cintré, Wilfried a le look parfait du chauffeur Uber tiré à quatre épingles. Ce vendredi de février, dans les travées d’un salon de l’emploi d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, le jeune homme de 26 ans se cherche pourtant un nouveau boulot. Une liasse de CV sous le bras, il marque l’arrêt face au stand du transport logistique. Puis jette un œil distrait aux entreprises du déménagement. Sous une voûte en brique, le forum consacré aux métiers des transports se tient à quelques centaines de mètres seulement du centre des « partenaires » d’Uber, où le géant des VTC reçoit ses chauffeurs (lire l’épisode 4, « L’usine à fabriquer des chauffeurs Uber »).
Originaire du Val-d’Oise, Wilfried a travaillé deux ans pour Uber avec le statut de « Loti ». À la différence des chauffeurs indépendants, titulaires d’une carte professionnelle VTC, il bossait pour un patron qui possédait, lui, une capacité de transport. Avec son permis de conduire comme seul prérequis, Wilfried lui louait une voiture et un compte Uber pour environ 70 euros par jour. Il roulait entre 5 heures et 17 heures, un peu comme Salima, croisée au début de cette série (lire l’épisode 6, « Attention, mirage dangereux »). Puis passait le volant à un collègue, qui le lui rendait douze heures plus tard. Et ainsi de suite. Cette routine éreintante a pris fin le 30 décembre 2017.