De Colmar (Haut-Rhin)
La machine à café déconne. Dans la salle de pause des urgences de Colmar, le personnel soignant broie du noir autour d’une table pleine de croissants, de fruits et de compotes. Il est 7 heures du matin ce jeudi 11 juin, une infirmière du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) termine le travail. Elle se plaint d’une nuit pleine « d’interventions de merde » : « Au moins, avec le Covid, on savait pourquoi on sortait. » Ici, chaque médecin ou infirmier regrette le retour des petits bobos qui encombrent inutilement le service. « Je viens de recevoir l’appel d’un homme qui avait la diarrhée et mal au ventre. Il voulait qu’on vienne parce que son infirmière n’est pas venue, souffle Sonny Febrissy. Ce genre de demande, c’est “no way”. »
Rien que d’y penser, j’en ai les mains moites. J’aimerais qu’on m’hypnotise pour oublier ça.
Comme pour mettre fin à cette conversation déprimante, l’infirmier demande : « Qu’est-ce qu’on fait le 16 ? » Pour la journée de mobilisation nationale des personnels de santé, certains veulent aller à Strasbourg pour marcher en direction de l’agence régionale de santé (ARS). D’autres craignent d’être noyés dans la masse strasbourgeoise. Cécile, infirmière depuis près de vingt ans, compte soutenir les collègues mulhousiens : « On a travaillé avec eux sur des transferts, explique-t-elle, et ils sont dans la merde depuis plus de six mois… »
De retour au poste de contrôle, Cécile garde un œil sur un ordinateur répertoriant les dernières admissions aux urgences. En début de matinée, les patients sont encore peu nombreux. L’infirmière peut prendre un moment pour raconter le pic du Covid-19 à Colmar. Elle se souvient surtout d’une nuit, au début du mois de mars. En quinze minutes, trois personnes ont dû être intubées et transférées dans un autre hôpital. « Rien que d’y penser, j’en ai les mains moites, raconte-t-elle. J’aimerais qu’on m’hypnotise pour oublier ça. » En se retournant pour observer le tableau des lits disponibles, Cécile constate que les places sont toujours en tension à l’hôpital Pasteur : « Aujourd’hui, il n’y a pas de place en cancérologie et à peine quatre places en médecine générale. »

Ce retour à l’anormal (lire l’épisode 1, « Après la pandémie, retour à l’anormal ») se fait particulièrement sentir au service d’accueil des urgences (SAU). Secrétaire accueil et admissions, Carole évoque les coups de fil