De Colmar (Haut-Rhin)
L’hôpital civil de Colmar se réveille. Mardi 16 juin, vers 12 h 30, plusieurs centaines de personnes en blouses bleue, verte, blanche ou jaune se massent dans le jardin du centre hospitalier. Elles portent des banderoles « Tenez vos promesses » ou « Mépris, c’est fini ». Sur leurs masques, elles ont agrafé « Pas de retour à l’anormal » ou « Hôpitaux publics en urgence vitale ». Christine est venue se joindre aux applaudissements du personnel hospitalier. L’aide-soignante semble un peu perdue au milieu de la foule : « En trente ans de carrière ici, je n’ai jamais vu une telle mobilisation. » D’ordinaire, les hôpitaux civils de Colmar restent plutôt discrets en période de grève et de manifestations. Fin 2019, les urgences colmariennes faisaient partie des rares établissements non-grévistes en France alors que le mouvement avait essaimé partout, ainsi que Les Jours le racontaient dans la saison précédente d’Urgences. Ici, le personnel soignant s’estimait d’abord chanceux en comparaison avec l’hôpital de Mulhouse, à moins de 50 kilomètres : « Là-bas, ils manquent de médecins et d’infirmières et leur service d’accueil des urgences est vieillissant », rappelle Alain, infirmier surnommé « le râleur ».
Il y a aussi, ici, une reconnaissance du personnel envers la direction des hôpitaux civils de Colmar. Jean-Rémy Savineau, médecin, se félicite d’une équipe encadrante « à l’écoute, qui a toujours été du côté des patients ». Il explique l’absence de mobilisation de ses collègues : « Notre hôpital a fait des efforts pour les urgences, donc on ne pouvait pas être dans la confrontation. » Ce sentiment a encore été renforcé par la pandémie. Estelle Zimmerle, déléguée du personnel CGT, parle aussi d’une direction « bienveillante, qui s’est toujours démenée lorsqu’on signalait tel ou tel manque dans un service ».
Tout en se rendant à la seconde manifestation de la journée, Myriam donne une autre explication à cette mobilisation tardive des urgences de Colmar. « Ici, c’est un petit hôpital. Les gens ont peur du “ce qu’on va dire” si on fait grève », explique celle qui est infirmière depuis dix-sept ans. Dans une ville et un département aux mains de la droite depuis plusieurs décennies, la grève et les manifestations ne sont pas toujours vues d’un bon œil. Le travail reste la valeur cardinale, comme le rappelle Christine après avoir applaudi quelques minutes avec ses collègues : « On est quand même là pour bosser ! »
Une semaine plus tôt, Sonny Febrissy, infirmier, et ses collègues débattaient du lieu le plus approprié pour manifester le 16 juin : Strasbourg ou Mulhouse ? Colmar ne semblait même pas une option.