C’est une petite musique de fond, depuis le début de notre reportage à l’hôpital Delafontaine. Il y a eu cette dame, hurlant dans les couloirs qu’elle veut récupérer son sac, avant d’arracher sa blouse jetable (lire l’épisode 1, « “Les Jours” se réveillent aux urgences »). Ce monsieur en plein délire de persécution, persuadé que la photographe Claire Delfino et moi étions envoyées par « la Sécurité militaire » (lire l’épisode 2, « “Retournez en salle d’attente, le docteur va vous appeler” »). Ou encore un jeune habitué des lieux, demandant toujours la même chose au personnel soignant : qu’on l’euthanasie. Les urgences de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) accueillent tous types de patients, y compris ceux qui souffrent de problèmes psychiatriques. S’ils arrivent ici, c’est généralement parce que leur maladie connaît une phase aigüe et devient difficile à gérer. Ils nécessitent une prise en charge particulière, partagée entre les urgentistes et les spécialistes en psychiatrie
Sur l’ordinateur des urgences, les « patients psys » sont signalés par une étiquette grise. Lors de nos passages, ils étaient généralement de deux à cinq en simultané. Dépressifs, schizophrènes, bipolaires… Comme les autres, ils peuvent venir par leurs propres moyens (par exemple s’ils ont le sentiment que leur traitement habituel ne suffit plus), accompagnés par des proches (alertés par un changement de comportement), amenés par les secours ou la police en cas de crise manifeste (agitation, propos incohérents, tentative de suicide, errance, etc.). Le territoire du centre hospitalier de Saint-Denis, touché par la désertification médicale, compte cinq fois moins de psychiatres que la moyenne régionale. Les urgences représentent donc un recours non négligeable.

Les nouveaux arrivants passent par l’accueil général puis à l’IOA, où officie régulièrement Bénédicte. « On essaie d’avoir une approche assez douce, tranquille. L’agressivité, c’est jamais bon. Tout est dans le dialogue, pour instaurer un climat de confiance. » Cette infirmière expérimentée ne veut pas dramatiser : la plupart du temps, ça se passe bien.