Installé au bar Le Biancheri sur la place centrale de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), Fernand Vissant fait en cette mi-juillet son coming out politique. Sa cible ? Les migrants accueillis dans la vallée par des citoyens engagés, dont on vous raconte ici le combat. « On ne fait pas ça pour contrer les immigrés, mais c’est catastrophique ce qui se passe. C’est de l’émigration politique. Ce n’est pas tolérable. On veut stopper un peu tout ça. »
On dirait que les autorités l’ont entendu. 156 migrants partis légalement lundi 24 juillet de chez Cédric Herrou ont été arrêtés en gare de Cannes, et reconduits à la frontière sans pouvoir faire valoir leurs droits alors qu’ils étaient montés dans le train à Breil avec l’assentiment des gendarmes. Également interpellé à leurs côtés, l’agriculteur a été mis en examen après 48 heures de garde à vue, sa sixième, et placé sous contrôle judiciaire (lire l’épisode 2, « L’État broie l’asile »). Une vidéo édifiante tournée ce jour là par le CRS (Collectif Roya Solidaire) et mise en ligne lundi décrit une gestion collective de cette expulsion de masse, avec des policiers aptes à manier les « tu la fermes » et « dégage ! », ce qui devrait ravir Fernand Vissant, un peu moins les organisations de défense des droits de l’homme. On y voit un policier sur le quai de la gare à Cannes s’arroger le droit de décider au faciès qui est éligible à l’asile ou pas (d’habitude, c’est le rôle des services spécialisés comme l’OFPRA, ou la justice), puis un migrant conduit de force dans un bus. Et enfin, à la Police aux frontières (PAF) de Menton, une avocate empêchée de voir son client qui a rendez-vous le lendemain à la préfecture pour sa demande d’asile mais sera expulsé avant.

Dans la droite ligne de ce raidissement, le semblant de couloir humanitaire dont Roya citoyenne, l’association de Cédric Herrou, bénéficiait pour acheminer en toute transparence des demandeurs d’asile vers Nice, en vertu d’un protocole mis en place avec les gendarmes et la PAF après la condamnation du préfet pour violation du droit d’asile (lire l’épisode 1, « Bienvenue en principauté Herrou »), paraît grandement menacé. Lundi, onze migrants ont été interpellés à la gare de Breil, alors qu’auparavant on les laissait passer. « On est super-choqués, dit Lea Basso, l’étudiante qui passe l’été chez Cédric Herrou pour aider.