La migration est une perte de soi. On y laisse son identité, ses repères, et si on n’y perd pas la vie ou la dignité, on finit par se perdre soi-même. On égare ses papiers, on se les fait voler ou on s’en débarrasse, on perd son nom. Mamadou ne s’appelait pas Mamadou au Soudan, dans les monts Nuba, à l’Est du Darfour. Il a fui la guerre, a vu des morts, des viols, a été esclave en Libye, a traversé la Méditerranée sur un rafiot en mai 2015. Puis il a été accueilli dans la vallée de la Roya et a décidé d’y rester. « Je suis de la montagne, dit-il tranquillement, un jour d’août, installé en bord de rivière, à Sospel (Alpes-Maritimes). J’aime la montagne, même si ici, elle est très différente. »
Mamadou est un autre. Dans ses rêves, il se voit faire de la politique mais quand il a débarqué chez Françoise Cotta, avocate parisienne qui réside en partie dans la vallée, il n’en menait pas large. « Il est resté deux ans chez moi. Il est arrivé très dépressif et il l’est resté très longtemps, incapable de faire quoi que ce soit, raconte la pénaliste. Il a commencé à se révéler actif quand d’autres migrants sont arrivés à la maison. » Elle en a hébergé jusque 35 en même temps. « Mamadou a beaucoup bossé pour les accueillir, il s’est senti utile. Il s’est vraiment investi. »
Aujourd’hui, Mamadou a une petite amie, Fanny Spano, 24 ans, étudiante aux Beaux-Arts qu’il a connue quand elle venait chez Françoise Cotta.