À peine entrée dans la salle d’audience, elle supplie presque son avocate. « Maître, je ne vais pas y arriver. Je veux partir d’ici, je ne veux pas le voir, je ne veux pas, je ne veux pas… » Ce 1er septembre, madame C. tremble de tout son corps, se tord les mains, respire difficilement, vacille. Agnès Cittadini la prend délicatement par le bras et l’aide à s’asseoir. À voix basse, avec douceur, elle rassure sa cliente. Dix ans après les faits, le tribunal de Rouen s’apprête à juger les agressions sexuelles dont elle a été victime. Dix ans qu’elle ne sort plus de chez elle, que son monde s’est réduit aux allers-retours entre son domicile et l’école de ses enfants, rien de plus. À la dernière confrontation face à son agresseur, lors de l’enquête, madame C. s’est évanouie.
L’audience va commencer, alors madame C. prend une profonde inspiration. Elle s’avance à contrecœur vers le banc de son avocate, glissant ses pieds millimètre par millimètre, comme coincée sur un plongeoir sans issue. Elle hésite, n’arrive pas à franchir le pas, finit par s’asseoir en tournant le dos à la partie adverse, sans cesser de trembler. À tel point qu’un huissier du tribunal s’approche d’elle pour la réconforter.
De l’autre côté, un élégant monsieur de 74 ans, mouchoir de soie dans la poche de son costume, ancien bâtonnier du barreau de Senlis, dans l’Oise.