On achève bien les campagnes électorales. Ce dimanche, c’était la der des ders des soirées d’élection – sauf accident – et normalement, on est tranquilles jusqu’en 2019. Vous avez vu dans quel état on est ? Sept mois depuis la primaire de droite à se faire des nœuds au cerveau, à élaborer de savantes stratégies, à sonder nos entrailles de citoyens. Comme vous, nous nous sommes dit : « À quoi bon ? » À quoi bon aller voter pour la huitième fois (si on inclut ceux qui se sont exprimés à la fois pour la primaire de gauche et celle de droite ?). À quoi bon suivre la soirée électorale à la télé où, c’est sûr, il allait se passer la même chose que les sept fois précédentes ? Mais un œil sur BFMTV a suffi à nous redonner la grosse patate. À 18 h 04, envoyée sur la plage de Saint-Malo pour y porter la plume sinon dans la plaie du moins dans le sable, la journaliste n’a pas vu, derrière elle, un type aligner cinq roulades de suite dans le champ de la caméra. Et de retour en plateau, la tenue de Ruth Elkrief a fini de nous convaincre de remplir notre devoir électoralo-cathodique : jaune poussin. La semaine dernière, un blanc virginal prédominait – à l’exception notable de cette pythie d’Apolline de Malherbe, déjà en perfecto canari – ; ce dimanche de victoire annoncée d’En marche sera jaune, et même Audrey Pulvar s’y colle sur CNews, malgré d’incohérentes grosses fleurs bleues sur le jaune de sa chemise.
Car oui, le jaune est la couleur d’En marche. Enfin une des couleurs, car il y a le violet aussi, s’est-on aperçu la semaine dernière. Au premier tour, c’est en effet en mauve que les chaînes habillaient la majorité macroniste à venir, seule TF1 s’autorisait un bronze. Jaune, violet ? Vous savez quoi ? On a bien envie de faire une analyse politique de haut vol pour dire que ce n’est peut-être pas par hasard si on n’arrive pas à lui attribuer une couleur, à ce raz-de-marée En marche attendu, qui va piocher dans toutes les couleurs pastels de l’arc-en-ciel politique. Sera-ce jaune cette fois ? Sera-ce violet ? Sera-ce une autre couleur ? Gros, gros suspense. Sûrement le seul de la soirée. Replay.
19 h 23 : en attendant 20 heures
Il fait chaud sur le plateau de BFMTV à en croire le petit jet de vapeur émis par Anna Cabana pour qui « Édouard Philippe doit être le berger de son troupeau ». Sur France 2, on a aussi, semble-t-il, un souci de clim avec un Laurent Delahousse annonçant, en ouverture de la soirée, « l’épilogue de cette révolution démocratique ». Bref, tout le monde est à bout, il est temps que ça s’arrête. Sur BFM encore, interrogée sur comment ça va se passer à l’Assemblée entre toutes les couleurs d’En marche, Ruth Elkrief ne fait même plus semblant et lance un « Y aura des amitiés, y aura des inimitiés, on verra… » totalement je-m’en-foutiste. Attendons plutôt 20 heures en révisant les législatives sur Les Jours. Avec le duel Jean-Luc Mélenchon-Corinne Versini, croqué par Olivier Bertrand dans Les insoumis de Marseille. Avec l’attente, pour la marcheuse Prisca Thevenot qualifiée dimanche dernier pour le second tour, ainsi que le racontait Charlotte Rotman dans la saison 2 de La planète Marche. Avec la découverte d’un autre marcheur dont le nom est Person, dans la circonscription perdue par Cécile Duflot, dans l’est de Paris
19 h 24 : BREAKING NEWS
Trois roulades synchronisées, désormais, derrière Juliette Wallon, exfiltrée par BFMTV sur la plage de Saint-Malo. Nous répétons : trois roulades synchronisées, par trois rouleurs distincts.
20 heures : une vague, pas un raz-de-marée, nuance
Fervents défenseurs du service public, c’est sur France 2 que Les Jours vont copier les estimations de 20 heures : 355 députés En marche dont 44 pour les alliés du Modem, 101 pour Les Républicains, 34 pour le PS, 19 pour La France insoumise, 11 élus communistes, 8 pour le Front national… « C’est l’épilogue de cette incroyable année électorale », dit à deux reprises, tout ébouriffé de l’audace de son analyse électorale, Lolo Delahousse. C’est donc ça « la surprise » dont parlaient avec des airs mystérieux Léa Salamé et Nathalie Saint-Cricq un peu avant 20 heures. Les journalistes de France 2 ont sorti leur mesureur de vague et ils sont formels : ce n’est pas un raz-de-marée pour En marche, mais une grosse vague. Oui, enfin bon quand même. « On est obligés de prendre ces directs », s’excuse Laurent Delahousse, coupant soudain le sifflet de Valérie Pécresse (qui était pourtant en train de dire des choses très intéressantes à base de « changement de logiciel ») pour donner la parole à Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire de feu le Parti socialiste. Mais aux Jours, on n’est pas obligés, alors le direct de Cambadélis, ce sera non. Na – enfin, sachez tout de même qu’il annonce lâcher son poste au PS, sans, bizarrement, déclencher de torrents de larmes, ni de vagues de suicides, ni même de raz-de-marée de rires narquois.
20 h 27 : des gagnants, des perdants
Qu’ont en commun Marine Le Pen, François Ruffin, Éric Ciotti, Alexis Corbière, Éric Woerth, Stéphane Le Foll, Richard Ferrand, André Chassaigne, Jean Lassalle, mais pas Barbara Romagnan, Christian Paul, Najat Vallaud-Belkacem ni Florian Philippot ? Non, la réponse n’est pas « on s’en fout », bande de mauvais citoyens, mais bien « des gagnants du second tour ». Alors oui, six, peut-être huit députés pour le FN, seulement, on va dire, mais Marine Le Pen fait son entrée à l’Assemblée nationale, élue par 58 % des électeurs d’Hénin-Beaumont. Elle se dit « la seule force de résistance à la dilution de la France », rien que ça. Et bien que Les Républicains fassent la tronche et que sur le plateau de France 2, on ne cesse de couper le sifflet de Valérie Pécresse, ils ne s’en sortent pas si mal, lestés qu’ils étaient du boulet Fillon.
20 h 51 : la « bonne nouvelle » de l’abstention
« C’est chic de dire qu’on vote à gauche », entend-on sur TF1. Heu pardon, Rachida Dati, mais il nous semble qu’au vu des résultats, les Français aient plutôt décidé de s’habiller de toutes les couleurs d’En marche. Certes vestimentairement parlant, c’est déplorable mais les chiffres sont là. Que voulez-vous, on entend de ces choses, un soir de second tour… Tenez, au hasard. Il faut être un Jean-Luc Mélenchon pour réussir à qualifier de « bonne nouvelle » cette abstention record, de l’ordre de 57 %. Et il a réussi. Cette abstention, dit-il, est « une forme de grève générale civique ». Sacré Mélenchon… Que nous retrouvons très vite dans un nouvel épisode des Insoumis de Marseille – on ne vous a rien dit, mais Mélenchon pourrait bien avoir remporté son pari.
21 h 04 : la chemise de Manuel Valls (mais pas encore la veste)
Sur France 2, Léa Salamé nous le rappelle, le score de Manuel Valls est serré-serré-serré face à Farida Amrani de La France insoumise. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour maintenir le suspense, alors que TF1 a déjà lâché l’affaire. Et parce qu’il n’y a pas de raison qu’on ne débusque des analyses que dans les vêtements des femmes, observons attentivement la tenue portée par Manuel Valls pour aller voter ce dimanche. Cette chemise ostensiblement sortie du jean mais repassée, si bien repassée, toute amidonnée avec le petit pli sur les bras et tout. Est-ce pour Valls une façon d’aller chercher les électeurs de gauche qui, à Évry, pourraient être tentés par la candidate de La France insoumise qu’il affronte ? Chemise sortie pour faire de gauche, mais avec le pli, pour faire, heu, raide, comme Manuel Valls en somme. Comment ça, elle n’est pas pertinente, notre analyse politique ? Ecoutez plutôt Anna Cabana sur BFMTV qui se lance dans une acrobatique comparaison entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. « Y a même une force chez l’un comme chez l’autre », énonce-t-elle en agitant les mains pour dire des choses qu’on ne comprend pas plus que ses mots. « Les deux grands tribuns extrémistes », poursuit-elle, « la force des extrêmes dans le pouvoir macronien », continue-t-elle. Rien compris ? On est d’accord : nous non plus.
21 h 52 : des nouvelles d’Extrême Sud
Michel Henry a arpenté l’Extrême Sud pour Les Jours, dans le fief du Front national en Paca. Et les résultats sont variés, au soir du deuxième tour des législatives. Parmi les huit députés que devrait compter l’extrême droite, figure Emmanuelle Ménard, femme de, à Béziers. Ainsi que Gilbert Collard qui affrontait la marcheuse (au trot) Marie Sara. Quant à Hervé de Lépinau, qui remplaçait Marion Maréchal-Le Pen partie faire une fugue en Alaska, il s’est planté, trop bête.
22 h 25 : Valls dans la nuée des huées
Bon finalement, la nuance entre raz-de-marée et grosse vague, on a laissé tomber. BFMTV, sur son bandeau, trompette « Le triomphe d’En marche » et sur France 2, Léa Salamé lance le débat : « Est-ce que la victoire franche d’En marche n’est pas la victoire des idées progressistes contre le déclinisme ? » On vous avoue qu’on n’a pas écouté la réponse, ébranlés que nous étions par l’énoncé de Salamé, pas plus que celle de Natacha Polony, fascinés que nous étions par son bracelet de cuir à clous. Sur la Deux d’ailleurs, les débats s’enchaînent, étincelants : maintenant, ce sont Daniel Cohn-Bendit et Raphaël Enthoven, le premier parlant d’« héroïnes et de héros ». Il s’agit des néodéputés d’En marche. En voilà d’ailleurs un, de néodéputé En marche ou presque, apparaissant dans un brouhaha, dans une nuée de huées, c’est Manuel Valls. Mais si, voyons vous savez cette personne qui était Premier ministre, il y a quoi ? Des années ? Des siècles ? Non, un peu plus de six mois seulement. Celui qui portait une chemise par dessus son jean cet après-midi. Il a changé de chemise, l’a rentrée dans son pantalon et a mis la veste qu’il n’a pas prise, à quelques dizaines de voix près. C’est ce qu’il annonce sous les lazzis et tandis que les opposants sont éjectés les pieds devant, en même temps qu’il dit vouloir être « utile au président de la République pour la réussite de son quinquennat ».
23 h 03 : « une draaaamaturgie totalement paroxystique »
Le feuilleton du soir, ce sera celui de Manuel Valls. Sa rivale de La France insoumise, Farida Amrani, revendique elle aussi la victoire dans cette circonscription où l’industriel et spécialiste des élections cheloues Serge Dassault a appelé à voter pour l’ancien Premier ministre. La mairie d’Évry, où l’on compte et recompte les votes, a été bouclée, et les journalistes en sont éjectés comme de vulgaires militants de La France insoumise. Que dire de cette situation ? Comment bien rendre ce qui se joue là ? Demandez à Anna Cabana, bien sûr : « Il y a une draaaamaturgie totalement paroxystique. » Et même « une hystérisation à la fois politique et militante ». Bref, pour Anna Cabana, qui aime bien les jolis mots, c’est « l’acmé de cette tension ». Ce qui nous fait penser à un truc d’un coup : personne n’a invité Henri-bave-aux-lèvres-Guaino ?
23 h 29 : Mélenchon, le good boy de Marseille
Tempérament fatigué, il n’est pas né sous le soleil, tu reconnais bien là le style de Jean-Luc Mélenchon. Ainsi que celui d’Olivier Bertrand : le nouvel épisode des Insoumis de Marseille, sur la victoire du leader de La France insoumise dans la 4e circonscription, est arrivé. Bonne lecture.
00 h 18 : oiseau et souris
C’est l’heure où les chaînes info n’ont plus rien à dire, où l’on voit les yeux des bretteurs s’alourdir, où les grandes chaînes ont tiré le rideau depuis longtemps déjà, où France 3 a lâché l’affaire au profit de ses décrochages régionaux. D’Évry assiégée n’arrive plus rien sinon d’épisodiques duplex de BFMTV avec un Patrick Sauce s’enfonçant peu à peu dans la nuit. Sur la même chaîne, en plateau, même le socialiste canal historique Gérard Filoche n’arrive plus à se mettre en colère. « On ne peut pas être oiseau et souris », lance-t-il à un moment, évoquant les candidats PS qui briguaient un adoubement d’En marche. On ne saura pas qui, des socialistes ou des macronistes, sont les oiseaux, et qui les souris. Celle-ci est plutôt souris : Prisca Thévenot qui s’est fait croquer par Marie-George Buffet en Seine-Saint-Denis : nouvel épisode de La planète Marche saison 2 par Charlotte Rotman. L’une des rares, finalement, à ne pas nourrir cette majorité absolue de quelque 350 députés macronistes. Il est tard, sur le plateau de BFMTV, il y a Cédric Villani, le mathématicien En marche avec son araignée épinglée au revers, il y a Marie-Noëlle Lienemann, il y a l’avenir du Parti socialiste qui se discute. Allez, c’est fini, il faut partir messieurs dames.