L’aube s’étire sur Centr’Alp. Il est 7 h 30, voitures et bus ne vont pas tarder à entamer leur ballet dans la zone d’activités. Plantée sur la commune de Moirans, à une vingtaine de kilomètres de Grenoble, elle regroupe 200 hectares d’industries, de bureaux, d’enseignes de grands groupes. Et le lycée Pierre-Béghin, dont Laurent Wauquiez a fait l’étendard de sa politique de sécurisation des établissements scolaires « face à la menace terroriste ».
Dans la plaine de l’Isère, l’ouverture du lycée, en 1996, a permis de désengorger les établissements de la campagne environnante. Depuis, les entrepôts ont poussé comme des champignons entre la voie ferrée et la nationale reliant Grenoble à Lyon. Quelques snacks et salles de jeux sont venus égayer les journées à rallonge des 900 lycéens. À quinze minutes à pied, la petite ville de Moirans, 8 000 habitants, n’a pas toujours eu de boulangerie ouverte entre midi et deux. Un temps renommé pour sa formation montagne, le lycée a connu une autre gloire : Laurent Wauquiez.

Le 22 janvier 2016, deux mois après les attentats du 13 Novembre à Paris, le fraîchement élu président de la région Auvergne-Rhône-Alpes vient à Pierre-Béghin annoncer un « dispositif inédit », dont Moirans serait le poisson pilote : l’installation de portiques et de vidéosurveillance dans une quinzaine d’établissements tests sur les 315 lycées publics que compte la grande région. « On sécurise des administrations. On sécurise des sites publics. On doit laisser de côté nos lycées ? Je ne peux pas accepter ça », déclare-t-il alors dans une classe, sous l’œil bienveillant du maire Les Républicains de la ville, Gérard Simonet. Sourires crispés, l’équipe enseignante doit faire bonne figure. Le futur candidat à la présidence des Républicains promet dans la foulée l’installation de caméras, d’une clôture et de portiques de sécurité pour la rentrée de Pâques. Montant de la facture : 100 000 euros. Adjugé, vendu.
À Moirans, la visite est pourtant loin d’être passée à la postérité. Ce mercredi 18 octobre 2017, jour à peine levé, les lycéens ne sont pas bavards. Écouteurs vissés dans les oreilles, les grappes d’ados s’égrènent mollement du bus. L’un d’eux, poli : « Vous savez, il ne se passe pas grand-chose ici. » L’année passée, le déplacement de Wauquiez a suscité quelques jours de brouhaha médiatique. Depuis, plus rien.