Ils ont osé franchir la porte de leurs bureaux. À pas feutrés, ils sont descendus vers l’impressionnant hall du siège de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à Lyon. Ce vendredi 17 novembre, ils sont une centaine, simples agents, cadres ou syndicalistes, à avoir répondu à l’appel au rassemblement contre la politique sociale de leur président, Laurent Wauquiez, aujourd’hui candidat à la présidence des Républicains. La colère est palpable. Après plusieurs débrayages et manifestations en deux ans, un nouveau préavis de grève a été déposé par l’intersyndicale du 7 novembre au 22 décembre 2017.
Dans la foule, deux femmes se marrent, sortent leurs smartphones et lancent un « selfie grève ! », aux côtés des collègues de la CGT, de la CFDT, de l’Unsa et de la FSU. Mais les discussions restent prudentes, l’ambiance morose et les regards craintifs. Un manifestant, apercevant mon carnet et mon stylo, s’approche, suspicieux. « Vous êtes journaliste ? Je venais juste vérifier car la dernière fois ils nous observaient », s’excuse-t-il. Lors d’un rassemblement similaire, en février 2017, les agents avaient eu la désagréable surprise d’être photographiés par des membres de la direction. Depuis quelques semaines, les clés USB personnelles ont été interdites sur les ordinateurs de la région, officiellement par peur des virus. Mais la parano guette. Cette fois encore, à quelques mètres de la manifestation, un chargé de communication de l’équipe de Laurent Wauquiez veille, l’air de rien.

La mine sombre, le fonctionnaire qui m’a interpellé se confie. « Les gens en ont marre, il y a un ras-le-bol. On est en sous-effectif permanent, et les cadres sont en première ligne », explique cet agent, à la région depuis quinze ans. « Ce n’est pas politique, même si je ne porte par Laurent Wauquiez dans mon cœur. On s’était vraiment investis. Ils ont cassé la région », s’indigne-t-il. Avant de glisser, las : « Je m’en vais l’année prochaine. C’est trop, je ne veux pas y laisser ma santé. Je pars dans le privé. »
Depuis l’arrivée de Laurent Wauquiez à la tête d’Auvergne-Rhône-Alpes, un malaise social s’est installé chez les agents. « Tout a explosé. Dans tous les sens », lâche Christian Darpheuille, secrétaire général du syndicat Unsa à la région. Les Jours ont recueilli une dizaine de témoignages de fonctionnaires, à tous les niveaux, des chargés de mission aux cadres, qui témoignent d’un mal-être au travail et d’une colère face au fonctionnement actuel des services de la région.