Audric de Campeau ne rêvait pas de devenir pompier. L’apiculteur urbain star (lire l’épisode 5, « À Paris, la foire du dard contemporain ») s’est pourtant retrouvé un jour de juillet dernier à devoir arroser au jet l’une de ses 250 ruches parisiennes. Sur le toit surchauffé d’un bâtiment du quartier du Marais, par 43,2°C, l’une d’elles a tout simplement fondu. Pour la première fois de sa vie, Audric de Campeau a vu ses abeilles fuir les coulées de cire et de miel qui se déversaient sur elles. « C’était la panique : pour se mettre à leur place, il faut imaginer votre maison qui se désintégrerait au-dessus de vous », se rappelle-t-il, tandis qu’il termine, en ce début septembre, de mettre en pots une récolte incertaine. Pendant que les Français faisaient le plein de glaçons pour résister à la seconde canicule de l’été, les abeilles hexagonales dégustaient. Les syndicats apicoles parlent même d’une saison en enfer. Le 29 juillet, sur Twitter, l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) balançait d’ailleurs : « Printemps catastrophique, puis sécheresse et canicule : notre climat se dérègle et la nature s’éteint ! Les apiculteurs en sont les premiers témoins : pas de miel dans les ruches cette année. » Car, oui, il va falloir s’y faire : le changement climatique risque de saper nos tartines.
Rembobinons le film. L’hiver 2018-2019 faisait ses bagages, le printemps se pointait et nous étions en Bretagne (lire l’épisode 2, « Luttes ouvrières »). Il faisait bon, étonnamment bon. Les apiculteurs de la région ouvraient leurs ruches pour voir si ce beau monde se portait bien, contrairement à la sortie de l’hiver précédent qui en avait laissé certains avec les trois quarts de leurs colonies sur le carreau. Les mayas se réveillaient. Elles étaient en forme. La saison démarrait sur les chapeaux de roue. L’apiculture française y croyait. « L’hiver dernier s’est soldé par très peu de pertes et en février il y a eu des températures estivales dans toute la France, les reines se sont mises à pondre, on étaient tous contents », résume Frank Aletru, président du Syndicat national d’apiculture. Et puis ça s’est gâté.

Tempête et ciel de novembre : ce fut un printemps à ne pas mettre une maya dehors. Dans la Drôme, chez Christophe Vossier (lire l’épisode 6, « Miel : est-ce que sucrer, c’est tromper ? »), il a même gelé en mai.