Repoussé, voire remballé, le fameux chèque alimentaire qui devait permettre aux plus pauvres de manger du frais, du local et du bio. Inventé par la Convention citoyenne sur le climat, promis par Emmanuel Macron en décembre 2020, il est toujours en bois. Le gouvernement lui a préféré une prime ponctuelle de rentrée pour faire face à l’inflation du prix des aliments. Cette « aide exceptionnelle de solidarité » a commencé à être versée le 15 septembre, près de 11 millions de foyers sont concernés. Montant : 100 euros plus 50 euros par enfant à charge. Cela peut-il changer le contenu des assiettes des plus modestes ? D’ailleurs, mangent-ils différemment ? Plus mal qu’avant ?
Coautrice d’une Sociologie de l’alimentation, la chercheuse de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) Marie Plessz, 42 ans, est rattachée au Centre Maurice Halbwachs qui réunit des chercheurs en sciences sociales de l’ENS, de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), du CNRS et de l’Inrae. Elle a répondu aux Jours après avoir lu notre série On mange quoi ?
27 % des Français ne mangent pas à leur faim. Mais que mangent-ils ?
Ce qui caractérise leur alimentation, c’est qu’elle est sous contrainte de budget, de temps aussi. Lorsque l’on a un budget contraint de toutes parts (loyer, énergie, transport), l’alimentation reste un des derniers domaines où l’on peut encore un peu choisir. Du coup, on peut parfois avoir cette impression perturbante, quand on n’a pas de problèmes d’argent, que les ménages les plus pauvres n’achètent pas ce que nous on verrait peut-être comme prioritaire en termes d’alimentation.
Mangent-ils différemment ?
Étonnamment, les plus grosses différences en termes de régime alimentaire ne sont pas forcément une question de revenus. C’est avant tout une question d’âge et de situation familiale (seul, en couple, avec enfants…). Depuis les années 1960, les parts de budget consacrées à l’alimentation par les riches et les pauvres se sont rapprochées. Le plus flagrant, c’est que les moins de 30 ans ne mangent pas comme les plus de 60 ans. On a malgré tout quelques marqueurs. Les dépenses de pain et de féculents sont plus importantes dans les ménages plus pauvres. L’autre, c’est la place de l’alimentation hors domicile. Les plus pauvres mangent très peu hors du domicile.
L’alimentation mixe des tas de choses hétérogènes. L’envie de passer un bon moment, faire vite et pratique, tenir compte des goûts de tous les membres du ménage… Tout ça se mélange dans nos assiettes.
Mais on dit souvent que c’est « Coca, chips et produits ultra-transformés » ?
Ce ne sont pas les 10 % les plus pauvres qui consomment le plus de produits ultra-transformés.