Mis en place dans les mairies lors de la crise des gilets jaunes, les cahiers de doléances sont désormais loin des regards, dans les archives départementales. Coups de gueule, idées, encouragements : les citoyens y interpellent Emmanuel Macron. Cet été, tous les midis, « Les Jours » vous en partagent un extrait, brut.
«Paris, le 17/1/2019
À Monsieur Emmanuel Macron, président de la République française
Objet : Grand débat national citoyen dans le cadre de l’état d’urgence économique et social en France
Je tiens à vous écrire personnellement pour être sûre que ma missive vous parviendra et que j’aurai une réponse. J’en mettrais le double dans le cahier de doléances de la mairie de Paris 20.
Tout d’abord, je tiens à vous dire que ce grand débat citoyen est une bonne idée pour moi mais il faut qu’il en ressorte des actions concrètes pour le mieux-vivre du commun des mortels. Je vous ai suivi à la télé, lors du lancement du grand débat avec les maires en Normandie et j’ai constaté que vous connaissez plein de sujets. Le lendemain, il a été dit, dans la petite lucarne, que les questions avaient été préparées d’avance et que vous aviez eu donc le temps de préparer les réponses. Vous m’avez, à ce moment-là, paru plus terrien.
Je suis factrice en retraite invalidité depuis six ans. J’ai travaillé trente ans à la poste. J’ai 1 000 euros de retraite, je paye 400 euros de loyer. Je suis seule sans enfant. Je travaille en CDD de deux jours en animation commerciale Île-de-France. Ce travail me plaît. Je n’ai pas de voiture qui me serait tout de même utile pour transporter du matériel. Je prends les transports en commun ou je paye une copine véhiculée si véhicule indispensable. Une voiture me serait utile pour la province (Auvergne) lorsque je vais voir ma famille, mais c’est trop cher pour mon budget. J’ai le permis de conduire.
Dans le cadre de l’état d’urgence économique et social, je prends ma plume afin de répondre à votre missive parue dans les journaux. Je suis très heureuse depuis toute petite de vivre en France et de plus en plus, au fil de mes voyages à l’étranger. En parlant de voyages, je trouve que les bus à bas prix qui portent votre nom sont très bien pour bouger pas cher.
Selon moi, il faut de toute urgence augmenter le pouvoir d’achat des retraités et des gens qui perçoivent l’allocation adultes handicapés : pas de retraite ni de pension d’invalidité au-dessous de 1 300 euros. Aussi, hausse du smic à 1 300 euros. Pourquoi ne pas instaurer un revenu universel minimum pour tous (surtout pour les jeunes entre 16 et 25 ans qui n’en ont pas, s’ils ont arrêté l’école, avant le revenu de solidarité active, cela permettrait de s’insérer dans la vie active en se sentant utile) en contrepartie d’un travail d’intérêt général : nettoyage des villes, aide dans les hôpitaux, etc. ? Cela vous ferait entrer dans l’histoire de l’humanité et la France deviendrait le pays le plus social au monde, 70 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Pourquoi le bénévolat ne serait-il pas reconnu comme un travail ?
C’est une bonne chose que notre système de santé puisse nous permettre d’avoir un remboursement intégral des soins dentaires, des lunettes et des appareils d’audition. Je pense que cela pourrait se faire immédiatement sans attendre deux-trois ans. Aussi stopper l’augmentation des mutuelles qui devraient être gratuites ainsi que les transports nationaux pour les retraités.
En ce qui concerne Paris, je trouve que c’est une ville magnifique et qu’il fait bon y vivre. Je suis très contente de sa piétonnisation et des voitures, scooters, vélos, trottinettes en libre-service et du Grand Paris Express, surtout au niveau des transports, initié par Nicolas Sarkozy. Toutefois, un grand effort doit être fait sur la propreté des rues et il faut faire des pistes pour les trottinettes qui envahissent les trottoirs. Le budget ornement pourrait être réduit au profit du nettoyage. Je l’ai déjà signalé à la mairie de Paris. On pourrait aussi faire “Paris neige”.
En ce qui concerne vos thèmes, je ne sais pas où trouver vos 33 questions. Si je les trouve, je vous écrirai à nouveau.
Pour la transition écologique, elle ne peut se faire que si les gens vivent bien. C’est un peu du luxe en somme. On parle de réchauffement climatique mais on a des hivers très rigoureux en France.
Il faut renationaliser les autoroutes.
Au lieu de prendre des avions, on pourrait voyager à l’ancienne avec des chameaux, des dromadaires, des diligences, ce qui ferait du travail dans les campagnes.
Pour la démocratie et la citoyenneté, je pense qu’il faudrait en parler à l’école puis que voter soit obligatoire. Je pense aussi qu’il faudrait s’occuper de tous ces jeunes des cités et de leurs parents pour éviter qu’ils ne tombent dans le terrorisme et qu’il n’y ait plus de zones de non-droit en France. Aussi mettre au programme scolaire la philosophie et les arts : musique, manuel, plus de sport, etc.
Je pense qu’il faudrait aider le continent africain, où il y a tout de même des richesses, à se développer chez eux, pour que nous n’ayons plus d’arrivages massifs de migrants en Europe.
En ce qui concerne l’organisation de l’État et des services, il faut décentraliser et remettre à la mode les campagnes qui ont tout de même un cadre de vie plus agréable que les grandes villes où les gens sont entassés et courent tout le temps. On pourrait faire des jumelage écoles-citoyens ville-campagne pour se découvrir et rendre la ruralité plus attractive avec des aides pour s’y installer et aussi des entreprises qui s’y installent.
Il faut que les députés et les sénateurs qui ne sont pas à leur poste ne soient pas payés. Il faut des échanges ouvriers avec eux pour voir ce que font les uns et les autres.
En ce qui concerne la fiscalité, c’est là où il faut que les têtes pensantes du ministère de l’Économie et des Finances réfléchissent à rendre plus justes les impôts et taxes pour les gens au lieu de passer leur temps à aller voir si les gens ont des télés et à créer de nouvelles taxes. Il faut un accord mondial sur le sujet de l’évasion fiscale qui coûte 100 000 euros à la France par an, soit le budget de l’Éducation nationale. Impossible n’est pas français. Selon l’ONG (organisme non gouvernemental), les 26 personnes les plus riches de la planète voient leur richesse augmenter tous les ans et ont autant d’argent que la moitié de l’humanité. Il y a fort à faire et il est possible de récupérer de l’argent pour le plus grand monde.
Tout d’abord, vous aviez une promesse de campagne qui était de supprimer la taxe d’habitation, vous n’avez pas tenu cette promesse, il faut supprimer cette taxe et nous rendre l’argent payé cette année au plus tôt.
En ce qui concerne les banques, il faut plafonner les frais à 25 euros par mois et qu’elles soient plus humaines pour prolonger les remboursements de crédit.
Il faut aussi enlever les lois Alur et Elan pour encadrement des loyers petite surface en grande ville. Souvent ce sont de petites gens qui ont acheté ces petites surfaces pour augmenter leur petite retraite et qui croulent sous le poids des diagnostics, des travaux et des impôts.
Il faut taxer les multinationales et les Gafam (géants du net) immédiatement au niveau national puis européen. Il faut imposer les plus-values et les propriétaires de produits de luxe : avions, bateaux, œuvres d’art, bijoux de luxe. Il faut rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune qui est un impôt déclaratif pour les foyers fiscaux domiciliés en France et à l’étranger et qui ont un patrimoine supérieur à 130 000 euros. L’impôt sur la fortune immobilière qui la remplace a des taux taxables dérisoires. Il faut changer la “flat taxe” qui est un impôt de 30 % sur les revenus du patrimoine, impôt à taux unique qui favorise les très riches. Il faut rétablir l’“exit taxe”, créée en mars 2011 par Nicolas Sarkozy qui est un mécanisme fiscal qui a pour objectif principal d’éviter la délocalisation des contribuables français à l’étranger. Il faut annuler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui offre un avantage fiscal aux entreprises qui emploient des salariés et qui équivaut à une baisse de leurs cotisations sociales et après ces entreprises licencient.
Enfin, nos dirigeants successifs ont cédé beaucoup de notre patrimoine à l’étranger. Il faut stopper tout cela et récupérer notre patrimoine. Il faut un protectionnisme assumé : vignoble bordelais à la Chine, le club de foot PSG au Qatar, les aéroport de Nice et Toulouse à la Chine, le tunnel sous la Manche à l’Italie, etc. Il n’y a plus qu’un seul palace français sur les sept ou huit que compte la capitale française. Il faut que la France mette des limites d’hectares à l’achat de terres comme le font beaucoup de pays.
J’espère que cette épopée fantastique du grand débat citoyen, suite à la mobilisation des gilets jaunes, améliorera notre vie à tous et toutes. C’est à vous de nous aider à y parvenir.
Vive la République, vive la France »