Mis en place dans les mairies lors de la crise des gilets jaunes, les cahiers de doléances sont désormais loin des regards, dans les archives départementales (lire l’épisode 1, « À la recherche des doléances perdues »). Les citoyens y interpelaient Emmanuel Macron. Cet été, « Les Jours » en publient des extraits, bruts.
«Quels sont les problèmes, les dysfonctionnements, les injustices dont vous souhaitez faire part ?
– Salaire des professeurs des écoles intolérable ! Vivre à Paris avec ce salaire sans allocation parent seul avec enfant, sans logement social est impossible. Une vie de privations !!
Quelles sont les solutions que vous proposez ou les idées que vous souhaitez voir approfondies ?
– Augmenter le salaire des professeurs des écoles ! Plus de logements sociaux ! Des allocs pour parent isolé !
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
– Merci ? »
«Monsieur le maire,
Comme vous le savez, l’Association des maires ruraux de France a décidé de mettre en place des cahiers de recueil des “doléances et propositions des habitants ruraux”. Dans ce cadre, je vous demande de bien vouloir transmettre les doléances ci-après.
Éoliennes
Les paysages de nos régions sont un patrimoine commun précieux qu’il convient de préserver. Ils attirent les touristes (et les retraités) qui viennent chercher dans nos campagnes la tranquillité, la paix et la beauté d’une campagne préservée. Les éoliennes industrielles dont la hauteur peut atteindre 240 mètres transforment les paysages de nos campagnes en paysages industriels. De plus, des sommes énormes et des privilèges exorbitants ont été accordés aux investisseurs et industriels de l’éolien (passe-droits en matière de réglementation sanitaire et environnementale, avantages financiers et fiscaux, limitation du droit d’expression et de recours des citoyens).
De plus, l’augmentation constante de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui finance ces avantages est catastrophique pour nos factures d’électricité. De plus, les propriétaires des maisons qui sont à proximité des éoliennes, lesquelles peuvent être installées à 500 mètres d’une habitation, sont ruinés. Leurs maisons perdent énormément de valeur, voire deviennent invendables. Leur cadre de vie devient un enfer qu’ils ne peuvent quitter. De plus, l’industrie française étant dans l’incapacité de fabriquer des éoliennes géantes, cette taxe sert de fait à financer des industries et des investisseurs étrangers. De plus, le vent étant un élément naturel imprévisible et irrégulier, les éoliennes ne produisent que 20 % du temps et doivent être adossées à des moyens de production émetteurs de CO2. Il est plus que temps d’arrêter cette folie idéologique des éoliennes industrielles que l’État central impose par la force à nos zones rurales.
Dotation globale de fonctionnement
La dotation globale de fonctionnement versée par l’État pour un Parisien est de 508 euros, pour un Goullois (habitant du village de Goulles, en Corrèze, ndlr) de 264 euros. Un habitant des zones rurales aurait-il moins de valeur qu’un habitant du XVIIIe arrondissement parisien ?
Suppression de la taxe d’habitation
Le gouvernement a décidé de supprimer la taxe d’habitation et de la compenser “à l’euro près” par une dotation de l’État. Les équipements collectifs d’une commune étant financés tout ou partie par la taxe d’habitation (transports, installations sportives et culturelles, etc.), qui, bien normalement, était plus élevée dans les communes les mieux équipées. Ainsi l’État fait un cadeau fiscal trois à quatre fois plus important à un habitant d’une zone urbaine très équipée qu’à un habitant d’une zone rurale où il n’y a rien. Les équipements des zones urbaines sont de fait financés en partie par les impôts et taxes des ruraux. Et pour financer ce cadeau fiscal, on augmente, entre autres, les taxes sur le carburant indispensable aux ruraux pour leurs déplacements. C’est une injustice fiscale envers les ruraux les moins bien équipés.
De plus, cette suppression et sa compensation par l’État permet aux communes qui furent dépensières à l’excès de voir leurs dettes remboursées par l’État. A contrario, les communes vertueuses qui ont géré les finances de leur commune avec une saine rigueur économique et dans le respect des deniers publics vont voir leur compensation de la taxe d’habitation plafonnée au niveau le plus bas. C’est une injustice fiscale envers les municipalités qui ont eu la plus saine gestion.
En vous remerciant par avance pour la transmission de ces doléances, veuillez croire, Monsieur le maire, à mes sincères et respectueuses salutations. »
«Quels sont les problèmes, les dysfonctionnements, les injustices dont vous souhaitez faire part ?
Pas de rétablissement de l’ISF : j’ai trois amis qui sont partis dans les cinq dernières années à cause de l’ISF, deux à Londres, un à Bruxelles.
Pas de proportionnelle : on voit comment 50 000 personnes (gilets jaunes) arrivent à bloquer le pays tout entier. On court au blocage général. »
«Je m’adresse à ces autorités qui nous gouvernent avec double casquette : je suis retraitée de l’Éducation nationale depuis peu d’années et je fais partie de cette catégorie de retraités qui a subi l’une des premières réformes fiscales du mandat présidentiel : hausse de la CSG (j’avais bien noté cette question dans le programme présidentiel et je n’étais pas hostile, mais le taux choisi était beaucoup trop important et a beaucoup pénalisé cette catégorie de la population).
Sachez que je donnais depuis des années une contribution à ma fille pour mieux vivre sa vie active et familiale. L’augmentation de ce prélèvement, le coût de la vie à Paris et, donc, le blocage des salaires et des pensions m’a obligé à arrêter cette contribution. Eh bien dites-vous bien que ma fille qui travaille a perdu beaucoup plus avec l’arrêt de ma contribution par rapport à sa petite baisse de charges sociales et donc son salaire disponible. Un grand nombre de parents retraités aident ou aidaient leurs enfants, vous nous avez privés de ce geste et je crois qu’il y avait d’autres pistes pour donner un coup de pouce à cette France active qui effectivement doit être encouragée.
Mon autre contribution à ce débat, c’est celle de l’ancien personnel de l’Éducation nationale que j’ai été pendant trente-sept ans : professeur puis personnel de direction les douze dernières années. Notre école est malade et depuis très longtemps : personnel spécialisé dans l’enseignement professionnel, j’ai assisté année après année à la dégradation de notre autorité, à des insultes, des menaces (j’en ai été l’une des nombreuses victimes) sans qu’aucune autorité hiérarchique n’ait été sensible à nos alertes. Oui, l’autorité de l’enseignant est bafouée : par notre hiérarchie directe (proviseurs frileux qui veulent être bien vus par le rectorat), par les parents qui n’ont plus d’autorité sur leurs enfants mais qui prennent très facilement le parti de leur progéniture quand ils sont convoqués !
L’État n’a jamais été du côté des enseignants et ce n’est pas parce que, une ou deux fois par an, un ministre a une petite phrase de bienveillance que le reste des Français nous préservent. Combien de conversations autour d’un repas arrivaient sur le sujet de “nos vacances”. Ah les vacances des enseignants, quel scandale ! Et d’expliquer invariablement que les vacances autrefois n’étaient pas payées aux enseignants car ce sont les enfants qui étaient en vacances, pas les enseignants (c’est à cette époque que les enseignants faisaient des colonies de vacances pour avoir un revenu pendant ces périodes). Enfin, en sous-payant le personnel enseignant, en bloquant les salaires depuis des années, comment voulez-vous que ce personnel se sente valorisé ?
La moralité de cette crise grave, c’est que nous ne sommes plus dans la période des Trente Glorieuses et que ma génération qui en a profité n’a pas su en sortir par le haut mais par l’emprunt, il n’y a pas de quoi être fier. Nos politiques ont acheté la paix sociale par la fuite en avant de budgets en déficit permanent. Ceux qui sont en colère aujourd’hui, une grande partie des jeunes adultes, ont eu le modèle de leurs parents baby-boomers et ne peuvent plus y prétendre aujourd’hui : frustration évidente !!!
Bonne chance à ce grand débat !
Un additif, peut-être anecdotique par rapport aux enjeux de ce débat mais… les 80 km/h !! Je suis une Parisienne qui a été élevée à la campagne et je retourne aujourd’hui comme grand-mère dans cette même campagne avec mes petits-enfants. J’ai fait la route N4 des dizaines de fois, aujourd’hui pour la deuxième fois, j’ai été “flashée” pour excès de vitesse. Oh pas beaucoup : 53 km à l’heure au lieu de 50, mais 180 euros et un point !
Sur cette route qui est très bucolique aujourd’hui, nous avons des tronçons à 110, 90, 80, 50, 30 km/h. Je roule en ayant l’œil en permanence sur mon compteur, plus question de profiter de la campagne ! Alors s’il vous plaît, oui les habitants des campagnes ont raison : ces lois de restrictions sont des “pompes à fric” pour les caisses de l’État. Arrêtez tout cela ! »
«Quels sont les problèmes, les dysfonctionnements, les injustices dont vous souhaitez faire part ?
Remise en état de l’eau chaude dans les vestiaires messieurs du gymnase des Orteaux (89, rue des Orteaux).
Quelles sont les solutions que vous proposez ou les idées que vous souhaitez voir approfondies ?
Conduite d’eau jusqu’au ballon.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Ça fait pas mal de temps. »