Mis en place dans les mairies lors de la crise des gilets jaunes, les cahiers de doléances sont désormais loin des regards, dans les archives départementales (lire l’épisode 1, « À la recherche des doléances perdues »). Les citoyens y interpelaient Emmanuel Macron. Cet été, « Les Jours » en publient des extraits, bruts.
«Monsieur le Président,
Nous, le peuple français dont je fais partie en tant qu’agriculteur, je vous demande que notre monde agricole puisse vivre de notre propre travail, sueur et produits (viande, céréales, etc.). Je ne pense pas qu’à moi, il faut aussi que les petits salaires soient revalorisés, ainsi que nos services publics, fonction publique et les smicards. Le smic à 1 500 euros net pour tout le monde pour un meilleur pouvoir d’achat.
Une revalorisation des pensions retraite et surtout retraités agricoles dont je fais partie, car nous ne comptons pas nos heures et nous nourrissons la France. Il faut pour cela prendre l’argent chez les riches, les gros patrons, ministre, députés, sénateurs, ancien président surtout actuel, les pétroliers, service Internet (Amazon, CDiscount, etc.)
De nos jours, mourir de faim, dormir sous les ponts est inadmissible. Vous êtes Président donc responsable de cette situation. Vous donnez une mauvaise image de la France au monde, mettez un bleu de travail, les mains dans le cambouis et au travail les fainéants. »
«Monsieur le Président,
Ramenez à la raison votre Premier ministre !
Après avoir capitulé en rase campagne devant 200 zadistes, ce monsieur a décidé unilatéralement d’imposer les 80 km/h à 65 millions de Français… Décision à l’origine du mouvement de protestation des gilets jaunes. Décision prise par quelqu’un qui ignore tout de la vie en milieu rural et qui
Mais quand on habite à la campagne et que l’on doit parcourir 60 à 100 km par jour pour se rendre au travail, on sait bien que cette baisse de 11 % de la vitesse autorisée et qui ne nous permet même plus de dépasser les camions se traduit par un allongement de la durée passée en voiture de l’ordre de 25 %, mais aussi par une verbalisation accrue.
Et que dire des conséquences économiques de cette décision : ce sont des millions d’heures de travail perdues chaque année ! Et tant pis pour les entreprises de services et autres SSIAD (services de soins infirmiers à domicile)…
Quant au nombre de victimes sur la route, il ne semble pas avoir vraiment changé. Et de toute façon, ce n’est là aussi qu’un prétexte pour taxer les automobilistes. Le tabac tue 55 000 personnes par an, les accidents domestiques 18 000, et on compte environ 10 000 suicides chaque année, mais là, point de radars ni de taxe ou de retrait de points. Ces morts-là ne rapportent rien…
Il serait urgent de revoir le permis à points et son fonctionnement, qui diffèrent considérablement d’un pays européen à l’autre, ainsi que la règle qui vous en remet pour trois ans à l’occasion d’une faute même mineure pendant les trois années qui suivent, rendant la récupération des points très difficile. 50 % du temps de travail des gendarmes et policiers est passé au bord des routes à sanctionner les automobilistes qui le plus souvent vont au travail ou en reviennent. Quel gâchis, quand on sait tous les autres problèmes qu’ils ont à traiter ! En particulier dans les banlieues… Les vrais délinquants ne sont pas les travailleurs, et seule une petite minorité d’automobilistes est en cause. Et pourtant beaucoup ont perdu points et tranquillité pour des fautes mineures, souvent liées à des limitations inadaptées.
Qu’on laisse aux maires et aux élus la liberté de fixer les limitations au coup par coup, et les choses iront beaucoup mieux. Et comprenez l’exaspération des salariés mais aussi des patrons de PME et de TPE qui payent des impôts parmi les plus importants au monde et voient les Gafa et les grandes entreprises du CAC 40 échapper ou presque à toute taxation. Tout comme le kérosène des avions, qui reste le moyen de transport des plus aisés, tandis que le carburant des automobilistes reste taxé à plus de 60 %…
Et penser aussi à une baisse des charges au seul profit des salariés, ce qui rendrait le travail un peu plus attractif par rapport au chômage, plutôt que de donner des aides compliquées et autres primes à la conversion qui n’arrivent jamais.
Enfin, revoir le train de vie de l’État, réduire drastiquement le nombre de députés et les sénateurs ainsi que les trop nombreux avantages y afférents, ainsi que toutes les commissions inutiles qui ne servent plus à rien depuis parfois des années mais dont les membres continuent à être rétribués.
Voilà quelques pistes, il y a tant à faire…
Respectueusement. »
«Le 16 janvier 2019.
Bonjour Monsieur le Président,
Je voudrais bien vous informer que j’ai un gros problème. Je voudrais un emploi. J’ai ma carte de séjour depuis dix ans et je n’arrive pas à travailler. SVP aidez-moi. »
«Monsieur le Président,
Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Extrait du Déserteur de Boris Vian.
Primo :
- Retour de l’ISF
- Augmentation du pouvoir d’achat
- Annulation de la CSG
- Dissolution de l’ENA, etc.
Tout en sachant que cette mascarade de débat n’aboutira à rien. Continuons le combat. »