«Je ne demande rien à la France, je veux juste récupérer le corps de mon frère et pouvoir l’enterrer dignement. » Les traits tirés, le visage fermé, Odei Al Aaqlat ne s’égare pas dans les détails. Le jeune Syrien de 20 ans n’en peut plus d’attendre. Quand Les Jours le rencontrent fin mars dernier à Calais, cela fait deux mois et douze jours qu’avec sa famille ils patientent afin de pouvoir organiser les funérailles d’Ali, mort à 25 ans le 14 janvier 2024 à Wimereux, dans le Pas-de-Calais. Cette nuit-là, le jeune homme tente d’embarquer, avec plus de soixante personnes, sur un zodiac direction l’Angleterre. Mais la traversée vire à la catastrophe dès le départ : Ali et quatre autres personnes, toutes originaires de la province de Deraa, dans le sud de la Syrie, meurent dans les eaux glaciales de la Manche, à quelques dizaines de mètres à peine des côtes françaises.
« Depuis cette date, je souhaite enterrer mon frère, mais les autorités me font toujours attendre », déplore Odei. Dans les heures qui suivent la mort des cinq exilés, le parquet de Boulogne-sur-Mer annonce l’ouverture d’une enquête, notamment pour « homicides involontaires aggravés ». Les proches des victimes se retrouvent dès lors confrontés à différents services de police et de justice chargés de l’identification des victimes. « Je suis ballotté d’une institution à une autre, raconte Odei.