La route est monotone. Ça fait partie du métier. Elle l’est encore plus dans un camion récent comme le Scania de Sylvain Letang, avec sa boîte automatique et son équipement électronique qui l’alerte au moindre souci. Il n’a plus qu’à appuyer sur la pédale et ne pas se tromper de chemin, tout en surveillant les hésitations des véhicules qui, autour de lui, paraissent minuscules.
Les super-poids lourds règnent tout en haut de la chaîne alimentaire du bitume. Mais depuis cinq ans, ils sont menacés par de nouvelles venues. Elles ne sont pas aussi impressionnantes, ne pèsent que 3,5 tonnes maximum quand le camion de Sylvain Letang peut accuser 44 tonnes sur la balance. Elles se faufilent partout et ne se font pas remarquer. Mais elles avancent par essaims nombreux et désordonnés. Les camionnettes ont envahi les routes d’Europe.
Ces camionnettes, ce sont des véhicules de même format qu’un gros camion de déménagement que n’importe qui peut louer avec un permis B. Elles sont en général bâchées, c’est-à-dire fermées par une toile de plastique souple et non faite en dur comme celle d’un camion frigorifique. Elles sont anonymes, sans logo ni nom de transporteur. Elles sont très majoritairement immatriculées dans un pays d’Europe de l’Est et roulent par trois ou quatre véhicules identiques. Chacun d’entre nous en a déjà croisé sur l’autoroute, sans remarquer leur multiplication.