Il paraît que casser le thermomètre n’a jamais permis de faire baisser une fièvre. À la SNCF, la crise sociale en cours (lire l’épisode 1, « Un syndrome France Télécom à la SNCF, c’est possible ») va pourtant de pair avec un affaiblissement des vigies censées mesurer son ampleur, alerter sur ses dégâts : les représentants des cheminots. Depuis
Jusqu’à ce chambardement du Code du travail voulu par Emmanuel Macron dès son arrivée au pouvoir, trois organes co-existaient. Le comité d’entreprise (CE) consultait les élus sur les questions liées à la situation économique, à la stratégie ou à l’organisation du travail. Les délégués du personnel (DP) représentaient les salariés pour toute demande, individuelle ou collective, liée à l’application du Code du travail, des conventions collectives, des salaires, etc. Le troisième pilier de l’édifice, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), endossait le rôle de vigie face aux menaces pour la santé, tant physique que psychique, des employés. Aujourd’hui, une instance unique les a gobés : le comité social et économique (CSE), obligatoire dans toutes les entreprises depuis le 1er janvier 2020.
Lors de la présentation des ordonnances, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, avait vanté l’arrivée de « ce lieu unique où l’on peut négocier tout », « l’économique » comme le « social », puisqu’il réunit « l’ensemble des compétences des trois instances » disparues. Du côté des employeurs, l’objectif à peine camouflé était aussi de « simplifier », de « rationaliser » et, in fine, de réduire les moyens alloués au dialogue social. C’est en tout cas ce qu’ont conclu deux cabinets d’expert missionnés par le comité d’évaluation des ordonnances Travail, dont le rapport, réalisé auprès d’une trentaine d’entreprises, a été publié en septembre.

Comment ? Principalement, dans les grands groupes, grâce à de savants coups de ciseaux visant à réduire « plus ou moins fortement le nombre d’établissements distincts, correspondant auparavant à des comités d’entreprises distincts ». Si les syndicats et l’employeur doivent s’efforcer de signer un accord sur ces grandes manœuvres, en cas de mésentente, le patron tranche.