Le cabinet de Muriel Pénicaud a-t-il piégé les syndicats réformistes ? Les décisions prises par la ministre du Travail et ses conseillers continuent d’être défavorables aux salariés, après la publication des ordonnances reprenant largement les revendications du patronat. Elles placent ainsi en porte-à-faux les centrales syndicales comme FO, la CFDT et la CFTC, qui privilégient la discussion avec le gouvernement, à l’inverse de la CGT, qui tente d’instaurer un rapport de force dans la rue – après la manifestation du 12 septembre, la centrale de Montreuil a appelé à une nouvelle journée de mobilisation ce jeudi 21 septembre. La stratégie consistant à tenter d’obtenir des décisions favorables dans les couloirs des ministères montre chaque jour ses limites.
Dans cet entre-soi du dialogue avec les cabinets ministériels, les états-majors des syndicats réformistes se retrouvent petit à petit coupés de leur base militante. Après les ordonnances, qui seront présentées en conseil des ministres ce vendredi 22 septembre, les conseillers auraient pu préparer des décrets qui répondent à une partie des revendications des syndicats de salariés. Toutes les grandes réformes sont en effet accompagnées de textes complémentaires qui précisent des points de la loi, et permettent de la mettre en œuvre, parfois en la modifiant substantiellement dans un sens ou dans l’autre. Le cabinet de Muriel Pénicaud, avec à sa tête Antoine Foucher, conseiller en provenance du Medef et grand manitou des discussions, en a décidé autrement.

Les décrets d’application des ordonnances vont être dévoilés progressivement d’ici à la fin de l’année. Mais un premier projet concocté par les conseillers ne va pas du tout dans le sens des syndicats. Il revient même sur une promesse faite pendant l’été par le gouvernement : la hausse de 25 %, pour tous les salariés, des indemnités légales en cas de licenciement. Pour les nouvelles avancées, c’est mal parti. Annoncée en juillet en grande pompe, via un communiqué de presse, cette augmentation visait alors à rassurer les syndicats pendant les discussions sur la réforme. Une sorte de monnaie d’échange face à toute une série de mesures plus favorables au patronat (lire l’épisode 9, « Ordonnances : Medef matin, midi et soir »). Pour justifier ce décret qui ressemble à une volte-face, Muriel Pénicaud a plaidé le malentendu sur Franceinfo. Mais l’opération est bien interprétée comme un tour de passe-passe par les centrales syndicales.
On tient encore à peu près nos troupes mais si le gouvernement poursuit dans cette voie, nous ne garantissons plus rien. (…) C’est comme si le cabinet de Muriel Pénicaud était grisé et cherchait à pousser son avantage le plus loin possible.
« On se demande à quoi joue le gouvernement. Pour l’instant, on tient encore à peu près nos troupes mais s’il poursuit dans cette voie, nous ne garantissons plus rien », lâche en off un conseiller de l’une de ces centrales qui ne masque pas son incompréhension.