Virginie n’a pas organisé de pot de départ, « rien ». Tout juste a-t-elle expédié aux collègues « un mail avec [ses] coordonnées ». Après plus de vingt ans de maison, elle a voulu la rupture chirurgicale, sans regard par dessus l’épaule. Embauchée à la SNCF à 24 ans, « pour la Coupe du monde 1998 », Virginie est entrée comme agent d’accueil du futur RER E, le train de banlieue qui sillonne l’est de l’Île-de-France, avant d’occuper divers postes au sein de la filière commerciale. Un « petit apport financier », un héritage, l’a convaincue de démissionner. La quadragénaire veut « l’utiliser à bon escient » en ouvrant un gîte en Bretagne. Peu importe que le pari soit risqué. « Les enfants sont grands, souligne-t-elle. Mon conjoint, cheminot lui aussi, ne va pas démissionner tout de suite. Et s’il faut bosser deux mois chez Intermarché pour payer la chauffe, ça me va. » L’ex-agente préfère embrasser l’incertain plutôt que s’obstiner dans une entreprise où, estime-t-elle, « il n’y a plus d’échappatoire » pour elle.
La SNCF a été témoin, en 2018, d’un niveau inégalé de démissions. Son dernier bilan social fait état de 1 025 départs volontaires de l’entreprise, contre 763 en 2017 et 614 en 2016. Certes, à l’échelle de 142 000 agents, ces adieux prématurés restent une goutte d’eau. Mais leur hausse inédite, de 34 % en un an, est beaucoup plus éloquente. Elle se perçoit aussi au niveau local.