«Je vois à peine dix personnes sur la journée, soupire Bernard, agent commercial dans une petite Caisse d’épargne déserte d’Île-de-France. À part pour quelques professionnels, comme les gérants de tabac qui viennent déposer leur recette en espèces, je ne comprends pas pourquoi on reste ouverts de 9 h 30 à 16 heures. » De l’autre côté du rideau de fer, l’employé reste pourtant fidèle au poste, comme tous les jours depuis le début du confinement. Au début, il utilisait le flacon de gel hydroalcoolique de son chef. À la fin de la première semaine, des masques sont arrivés, suivis, sept jours plus tard, par des gants. Bernard a beau disposer d’un équipement de sécurité satisfaisant, il a du mal à être serein. « J’ai peur de ramener quelque chose à la maison, de contaminer ma femme, qui a des problèmes de santé, ou ma fille », confie-t-il.
Combien sont-ils à partager la même crainte ? À se demander si leur journée de boulot ne les expose pas au Covid-19 et si rentrer chez eux n’expose pas leurs proches ? Des millions. Les premiers chiffres, servis un peu à la louche par le ministère du Travail, annonçaient qu’environ un tiers des salariés étaient en télétravail, un autre au chômage partiel et que le dernier tiers se déplaçait chaque jour pour aller bosser. Selon une première estimation réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), seuls 8,4 millions des 26,6 millions d’actifs pourraient télétravailler.