Vous cherchez désespérément à rejoindre les adeptes du made in France ? Achetez des cosmétiques. Chez Sephora et Marionnaud, même en tapant au hasard, vous avez trois chances sur quatre de faire tourner l’économie nationale. La crème des crèmes, c’est la France. Nous avons L’Oréal, numéro un mondial du secteur. Mais nous avons aussi plusieurs centaines de PME, qui fournissent 15 % du total des cosmétiques utilisés dans le monde. Un sur six ! Dassault et le gouvernement français se gargarisaient d’avoir vendu 36 Rafale à l’Inde. Pitié. À 9 milliards d’euros, les exportations de produits de beauté représentent, chaque année, plusieurs dizaines d’avions de chasse. Et on n’a encore jamais trouvé de traces de rétrocommissions sur la vente d’après-shampoings. Par les temps qui courent, cette filière est une anomalie. Elle ne délocalise pas. Elle recrute. Les plans sociaux sont rares.
Incongruité supplémentaire dans un pays fortement centralisé, les entreprises se sont mises au vert. La cosmétique compte des dizaines de milliers de salariés dans de petites villes de Normandie ou de Centre-Val de Loire, quand ce n’est pas dans les campagnes du Limousin et de l’Auvergne. Fareva, par exemple, emploie 500 personnes à Annonay (Ardèche) et 140 personnes à Saint-Germain-Laprade (Haute-Loire). Son nom ne vous dit rien. Pourtant, vous avez probablement des produits Fareva dans votre salle de bains. Sous-traitant pour la pharmacie et la cosmétique, Fareva fournit des produits clés en main à des marques comme Puressentiel, la société d’Isabelle et Marco Pacchioni. Autant le couple Pacchioni donne dans le clinquant et les paillettes, posant en famille dans Paris Match, autant Bernard et Jean-Pierre Fraisse, les deux frères qui dirigent Fareva, cultivent la discrétion (ils n’ont même pas accusé réception de notre demande d’entretien, qui était pourtant d’une flagornerie consommée : « Afin de comprendre les ressorts de votre exceptionnelle réussite […] recueillir votre avis éclairé […] blablabla… »). Les Fraisse ont démarré dans les années 1980 avec une dizaine de salariés. Ils en ont aujourd’hui plus de 10 000, répartis sur une vingtaine de sites en France et une dizaine à l’étranger. En général, les multinationales étrangères rachètent nos usines. Avec Fareva, c’est le contraire. Les Ardéchois ont racheté deux usines à Pfizer et une à Merck, des géants de la pharmaceutique. La famille Fraisse est 103e au classement Forbes des grandes fortunes de France.