Alors que le plastique à usage unique se déverse à flots dans les supermarchés et les hôpitaux (lire l’épisode 5, « L’hôpital frappé par une épidémie de plastique »), qu’on emballe, suremballe et jette à tour de main, de peur de propager le méchant virus, les recycleurs, eux, ont choisi de baisser le rideau. Après une période difficile lors de la crise de 2008, le secteur était parvenu à relever la tête, mais cette fois, la situation est devenue intenable. « De nombreux sites ont fermé leurs lignes de production, compte tenu de la demande extrêmement faible en plastique recyclé », explique aux Jours Plastics Recyclers Europe (PRE). L’association européenne du secteur, qui représente quelque 500 entreprises et 18 000 travailleurs et affiche 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, évalue les pertes à un demi-milliard d’euros. Enfin, « dans le meilleur des cas », beaucoup plus si les fermetures devaient se prolonger. « Les principaux problèmes sont l’absence de demande due à la fermeture des usines de transformation et aux prix record des plastiques vierges, ainsi qu’à la baisse d’activité au niveau mondial », détaille PRE sur son site. Son président, Ton Emans, avertit : « Si la situation persiste et qu’aucune mesure n’est prise pour remédier à la situation, le recyclage des plastiques cessera d’être rentable, ce qui entravera la réalisation des objectifs de recyclage de l’Union européenne et mettra en péril la transition vers les plastiques circulaires. »
Sans aide de l’UE, alertent les industriels, ils ne pourront rouvrir et les déchets plastiques recyclables n’auront d’autre choix que d’être mis en décharge ou incinérés. Ce boom de l’incinération a d’ores et déjà de graves conséquences pour l’environnement. Outre des émissions toxiques, la combustion du plastique engendre des gaz à effet de serre. On estime que la production de plastique et l’incinération des déchets plastiques donnent lieu, à l’échelle mondiale, à environ 400 millions de tonnes de CO2 par an. Moins de plastique recyclé, c’est autant de production de plastique vierge en plus, et autant d’émissions supplémentaires de dioxyde de carbone. On juge que si l’on recyclait tous les déchets plastiques de la planète, on pourrait économiser 3,5 milliards de barils de pétrole chaque année.

Ces fermetures d’usines de recyclage peuvent sembler soudaines et radicales, mais à y regarder de plus près, on comprend qu’elles étaient prévisibles.