Laure Wolmark est psychologue clinicienne, coordinatrice nationale du pôle santé mentale du Comede, le Comité pour la santé des exilés. Nous l’avions interrogée sur la prise en charge de ces publics fragiles au début du confinement, dans la saison 1 de notre série sur l’épidémie. Des semaines sous cloche qui se sont révélées difficiles avant tout pour les plus jeunes de ces étrangers : les mineurs non-accompagnés en attente de la reconnaissance de leur âge et donc de leurs droits. Livrés à eux-mêmes, peu mis à l’abri, certains sont allés jusqu’à tenter de se suicider pendant cette période sans repères.
«On avait une inquiétude un peu spécifique pour les mineurs non-accompagnés qui ne sont pas encore reconnus comme mineurs. Ils vivent pour beaucoup à l’hôtel ou dans des foyers de l’Aide sociale à l’enfance, mais certains vivent dans des squats ou à la rue, où ils sont restés pendant toute la période du confinement. On avait cette fragilité en tête, mais on l’a un peu sous-estimée. On se disait que ces ados ont traversé des épreuves tellement dures, après tout. Ils sont passé par la Libye, ont parfois subi des viols, des naufrages… Mais on s’est aperçu qu’ils vivaient le confinement très difficilement, notamment parce qu’ils étaient privés des exutoires nécessaires à leur équilibre psychique déjà fragile
Certains ont été testés positifs et se sont retrouvés en quarantaine dans les foyers d’accueil. Dans cet isolement dans l’isolement, ils ont alors connu des reviviscences traumatiques, des souvenirs revécus. Avec toute la détresse qui va avec et une solitude, un sentiment d’abandon très grand. On est allé vers eux et on a fait venir certains que l’on a identifiés afin de les rencontrer. C’est là, au moment où il y avait enfin un autre qui répond à leur détresse, qui vient à eux, qu’on a assisté à une réactivation brutale des traumatismes
On pensait que rencontrer un psy les aiderait, permettrait de contenir leurs problèmes psychiques, on n’a pas vu venir cette décompensation.