Sébastien est allé chercher sa lettre recommandée à la Poste un matin, avant d’aller au travail. Il portait son polo rouge, la tenue des vendeurs en boutique chez SFR. Il a ouvert et lu attentivement le courrier. Il lui annonçait son licenciement avec effet immédiat. Sébastien a quand même pris son train et s’est rendu, comme chaque matin, à sa boutique. Sonné. Il est allé voir sa responsable de magasin et lui a simplement demandé : « Effet immédiat, ça veut dire quoi ? » Puis demandé encore, comme pour être bien sûr : « Donc ma journée d’hier, c’était ma dernière journée ? » Elle lui a répondu « oui ». Il a mis un certain temps à se rendre compte. Puis il s’est effondré. « Ce magasin, c’était sept ans de ma vie. » Il se revoit pleurer au milieu de la boutique. Et se souvient que ses collègues aussi étaient émus. Une scène « bizarre », résume-t-il quelques semaines plus tard. Chez SFR Distribution, l’entité du groupe qui rassemble les boutiques au carré rouge, le plan de départs volontaires (PDV), qui concernait près de 800 salariés sur 4 000, est terminé depuis le printemps dernier – il avait commencé bien avant celui du reste du groupe SFR, qui devait faire passer les effectifs totaux de 15 000 à 10 000. Pourtant, les suppressions de postes continuent dans les boutiques. C’est ce que Sébastien nomme le « PDI », le plan de départs involontaires. Et ce que les syndicats dénoncent comme le « deuxième plan de départs ».
À l’automne dernier, l’ensemble des syndicats (CGT, CFE-CGC, CFTC, UNSA et CFDT) de SFR Distribution ont interpellé leur direction sur « l’explosion » du nombre d’entretiens préalables au licenciement, dits « EPL » dans la langue du code du travail. Dans un communiqué, ils dénoncent « des collaborateurs [qui] se font licencier pour des motifs futiles et subis ». Parlent d’un « fléau » et d’un « climat de terreur ». « Le management choisit ses têtes qui vont rester et qui vont partir. » Il n’existe pourtant aucun chiffre permettant de quantifier précisément cette « explosion » du nombre de licenciements dans les boutiques SFR. Même si la plupart des salariés concernés se font accompagner par des délégués, les organisations n’ont pas pu centraliser les infos entre elles ni entre les différentes directions régionales. Et le siège social a refusé de leur communiquer ces chiffres. Le service communication de SFR ne nous les a pas communiqués non plus. Mais nous assure qu’il n’y a eu « aucune augmentation ».