«Départs volontaires. » La formule est douce à l’oreille. Elle est positive. Elle sous-entend un libre arbitre, un choix personnel. La formule s’est imposée dans le monde du travail ces dernières années. Elle remplace peu à peu d’autres formulations, plus rugueuses à l’ouïe, que sont « licenciements » ou « suppressions d’emploi ». Par pudeur et dans le même ordre d’idées, on préfèrera également « restructuration » à « plan social » (qui était déjà une expression sémantiquement intéressante). C’est ainsi que le plan de suppressions de 5 000 emplois chez SFR aura réussi le tour de force de n’avoir quasiment aucun écho, ni médiatique ni politique (lire l’épisode 1, « Le plan D, comme discret »). C’est ainsi, aussi, que le PDG de Carrefour Alexandre Bompard a pu annoncer 2 400 suppressions de postes dans son groupe sans susciter de franche émotion. Il faut dire qu’il avait trouvé une astuce poétique, au lieu de « plan social », ça s’appelait « transition alimentaire », une stratégie de com calculée et efficace. Ces derniers mois, les annonces de suppressions d’emplois en France se sont multipliées. Toutes « volontaires ». Pimkie (291 postes supprimés), Peugeot (1 300), la Société générale (900). Partout, soudain, des milliers de salariés souhaiteraient donc absolument mettre un terme à leur contrat de travail.
En réalité, comme nous le constatons en suivant pas à pas le plan de départs volontaires (donc) chez SFR, la notion de volontariat est plus complexe qu’il n’y paraît. Parmi les « volontaires » de l’opérateur au carré rouge, beaucoup sont partis parce que leurs sites fermaient, ou que leurs postes étaient tout simplement rayés de la carte. Certes, les accords prévoyaient qu’ils puissent être reclassés en interne ailleurs dans le groupe, ou sur un autre poste. Ce qui n’a pas toujours de sens. Ainsi, d’anciens salariés du service technique du site de Saint-Herblain (à côté de Nantes) – service entièrement liquidé – m’expliquaient la semaine dernière avoir été candidats au départ car ils ne se voyaient pas « faire de l’administratif ou de la compta ».

D’autres, notamment dans les services client, évoquent la dégradation des conditions de travail (lire l’épisode 4, « Le travail abimé »). Bernard, ancien cadre informatique en région parisienne, près de vingt ans d’ancienneté, voit les choses encore différemment.