Comme dans une bonne scène de thriller d’anticipation, les bêtes sauvages rôdent désormais autour des humains. En décembre, ils étaient 56 ours, blancs et le ventre creux, à chercher pitance du côté de Ryrkaïpiï, un village dans l’extrême nord-est de la Russie, et de ses quelques centaines d’habitants, désormais cloîtrés. Il a fallu amadouer les plantigrades avec des carcasses de morses pour qu’ils ne viennent pas traîner leurs guêtres dans les jardins d’enfants et les cages d’escalier des immeubles. Des scènes observées quelques mois auparavant, en février, à Belouchia Gouba, dans l’archipel de Nouvelle-Zemble, en mer de Barents, où une cinquantaine de leurs congénères claquedents avaient fouillé les déchetteries, vagué en ville, reniflé les poussettes et, bien sûr, semé la panique… et obligé les autorités russes à instaurer dix jours d’état d’urgence. C’est qu’ils ont les crocs, les ours polaires. Leur territoire de chasse hivernal, la banquise, fond année après année, comme un esquimau au soleil. La couche de glace se forme sur l’océan plus tard dans l’année, fond plus tôt, se fait plus mince et plus fragile. Bref, leur monde se déglace sous l’effet du changement climatique. Et ça ne va pas s’arranger : le futur proche a tout d’une grande débâcle.
Les études sur l’alarmante vitesse de la transformation du climat arctique glacent l’échine comme de la neige fondue. En septembre dernier était publié