Lorsque nous avons proposé à Kamel Daoudi de devenir un « personnage » récurrent de cette obsession sur la justice antiterroriste, c’était pour l’expérience qu’il en avait. Celle de la génération précédente. À 42 ans, Kamel Daoudi n’a pas été condamné pour être parti faire le jihad en Syrie, mais en Afghanistan, avant le 11 septembre 2001. Il a été déchu de sa nationalité française, alors que la constitutionnalisation de cette mesure a fait l’objet de tant de débats – stériles – ces derniers mois. Il n’a pas été assigné à résidence en vertu de l’état d’urgence, mais d’une décision du ministère de l’Intérieur en 2008, à sa sortie de prison. La Cour européenne des droits de l’homme ayant interdit son expulsion vers l’Algérie, compte tenu des risques de torture et de disparition, l’assignation est la solution qui a été retenue, sans limite de durée. Cela fait huit ans qu’il passe de villages en petites villes, déjà « déplacé » plusieurs fois sans préavis. Depuis 2011, Kamel Daoudi vit à Carmaux dans le Tarn, 14 kilomètres carrés, 10 000 habitants. Sa femme, une prof originaire de la Creuse convertie avant leur rencontre, l’a rejoint. La famille recomposée avec quatre enfants a acheté une maison, en cours de rénovation, dans un quartier tranquille.
Pour Kamel Daoudi, astreint à pointer trois fois par jour au commissariat de Carmaux - il y va à vélo - sans jamais quitter la commune, l’état d’urgence déclaré en novembre 2015 n’avait rien changé.