Il n’habite plus chez ses parents depuis 1998. C’est pourtant à leur adresse, dans l’Essonne, qu’est arrivée la convocation. Kamel Daoudi, condamné à six ans de prison pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » en 2005, devait se présenter au commissariat de Draveil (Essonne), le 5 octobre, pour se voir notifier son inscription au Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait). Islamistes, indépendantistes basques, corses ou kurdes : ce fichier, tenu par le ministère de la Justice, répertorie les personnes condamnées pour des crimes et délits terroristes (lire l’épisode 9, « Un nationaliste corse et un jihadiste sont dans un fichier… ») En rattrapant Kamel Daoudi, les autorités ont juste fait abstraction de quelques détails. Depuis sa sortie de prison, il y a huit ans, il est assigné à résidence dans le Tarn et ne peut se rendre à 700 km de là sans autorisation spéciale.
Après avoir signalé aux policiers cette légère incompatibilité géographique, Kamel Daoudi a finalement été avisé de son fichage au commissariat de Carmaux, le 9 novembre. Le document qui lui a été remis récapitule ses obligations jusqu’en septembre 2017 : justifier de son domicile chaque trimestre, déclarer tout changement d’adresse et tout déplacement à l’étranger, sous peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. Il a refusé de le signer, estimant qu’il n’avait pas à « [s’]auto-dénoncer » alors qu’il ne fait « plus l’objet d’aucune condamnation ». De par son assignation à résidence, Kamel Daoudi est de toute façon déjà astreint à un emploi du temps bien plus contraignant : pointer trois fois par jour au commissariat et ne pas quitter la commune de Carmaux.
Une fois qu’on a été condamné, on est considéré comme un terroriste toute sa vie.
L’assigné compte déposer un recours contre ce fichage « big brotherien », « au moins pour les autres, pour montrer qu’on n’est pas d’accord ». En ce qui le concerne, il n’a « que » quelques mois d’obligations. Mais son nom restera dix ans supplémentaires dans le Fijait, consultable, à certaines conditions, par le préfet et le maire de son lieu de résidence. Une fois de plus, malgré sa peine purgée, Kamel Daoudi est ramené à la réalité : « une fois qu’on a été condamné, on est considéré comme un terroriste toute sa vie », sans espoir de « réinsertion ».
Il y a quelques semaines, nous racontions le cas (lire l’épisode 9, « Un nationaliste corse et un jihadiste sont dans un fichier… ») de nationalistes corses récemment sortis de prison ayant contesté leur inscription au Fijait – assez mal à l’aise de figurer dans un grand fichier des terroristes aux côtés de jihadistes.