Ce sont deux arrêts majeurs que la Cour suprême des États-Unis a rendus cette semaine. Le 18 juin, dans celui intitulé « Department of Homeland Security v. Regents of the University of California », rédigé par le juge en chef conservateur John Roberts, la plus haute instance judiciaire du pays a retoqué l’annulation par la présidence Trump à l’automne 2017 du programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) mis en place par son prédécesseur, Barack Obama. Un dispositif qui protège de l’expulsion ceux que l’on appelle les « Dreamers » (les rêveurs) – du nom de la loi DREAM de 2001 qui les avait temporairement régularisés –, des enfants arrivés sur le sol des États-Unis avec leurs parents, immigrés sans-papiers. Et le 15 juin, par son arrêt « Bostock v. Clayton County », la Cour a rendu illégale toute discrimination par un employeur fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Cette décision, rédigée par le juge Neil Gorsuch, installé par Donald Trump en 2017, étend donc aux personnes LGBTQ le Civil Rights Act de 1964, la loi sur l’égalité des droits qui a mis fin à toutes les formes de ségrégation et de discrimination reposant sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine.
Les deux arrêts ont été bien accueillis dans des États-Unis devenus majoritairement favorables à la légalisation des « Dreamers » et à l’égalité des droits pour les personnes LGBTQ. Si la décision du juge John Roberts sur l’immigration n’est pas nécessairement une surprise, celle sur les personnes LGBTQ est beaucoup moins bien reçue parmi les conservateurs évangéliques et radicaux, qui dénoncent une trahison du juge Neil Gorsuch. Ils lui reprochent, à l’image du jeune sénateur républicain du Missouri Josh Hawley – lui-même ancien clerc à la Cour suprême –, d’avoir dévié de l’interprétation juridique « originaliste ». Or l’« originalisme » caractérise tous les juges conservateurs depuis quarante ans, qui estiment qu’il faut s’en tenir au seul texte de loi sans l’interpréter, se prévalant ainsi de l’esprit des Pères fondateurs lorsqu’ils rédigèrent la Déclaration d’indépendance en 1776, puis la Constitution en 1787. Neil Gorsuch est critiqué pour avoir légiféré sur les droits des personnes LGBTQ alors que cette prérogative devrait, selon ses détracteurs, appartenir au seul Congrès parlementaire élu par le peuple, et non à une Cour nommée par le pouvoir.
Le juge en chef de la Cour suprême, John Roberts, au centre, lors du discours sur l’état de l’Union prononcé par Donald Trump devant le Congrès, le 5 février 2019
— Photo Doug Mills/The New York Times/Redux/Réa.
Ces reproches faits au juge conservateur trahissent l’enjeu politique central qu’est devenue la Cour suprême depuis un demi-siècle.