
Stephan Eicher, Homeless Songs (Electric Unicorn/Polydor, 2019)
À quoi tiennent les choix artistiques qui font un disque ? On pourrait se dire, en l’écoutant distraitement, que le quinzième album de Stephan Eicher est un beau disque de plus, une nouvelle collection de chansons intelligentes mais accessibles
Car, depuis 2012, la musique de Stephan Eicher était empêchée de paraître à la suite d’un conflit avec sa maison de disques, Barclay, label de la major Universal Music. Le chanteur à la fine moustache l’accusait d’avoir failli à ses obligations, d’avoir bazardé sans le défendre L’Envolée, son album de 2012, et de ne pas avoir financé comme elle le devait l’enregistrement du suivant, ce Homeless Songs qui ne sort qu’aujourd’hui. Tout s’est crispé et aucune chanson originale signée Stephan Eicher ne pouvait être publiée.
Mais le Suisse est joueur, et il a gardé ses réflexes de l’époque où il fréquentait l’underground rock européen. Pendant toutes ces années, il a donc bien pourri la vie de Barclay sans rien lâcher. Il a commencé par livrer une version de Homeless Songs « presque punk », disait-il récemment au Monde. Puis il a réduit le disque au minimum : 12 chansons de trente secondes, pour s’assurer qu’elles resteraient sous la limite qui génère des revenus sur les plateformes de streaming comme de téléchargement.

J’aimerais beaucoup entendre cette version dadaïste des chansons de Stephan Eicher, dont il reste malgré tout quelque chose dans ce Homeless Songs enfin sorti chez Polydor, dans une version entièrement revue et réenregistrée. Des cordes partout pour justifier les dépenses de studio et des titres qui se moquent des formats, qui durent parfois quarante-quatre secondes (Broken), à peine plus de deux minutes (Né un ver, parfaite comptine pour les enfants) ou six minutes en suisse-allemand (Niene Dehei, presque un titre de Bashung époque L’Imprudence).
Bien entendu, Philippe Djian est là aussi, signant les textes de la plupart des chansons. L’écrivain livre notamment des paroles parfaitement passives-agressives en ouverture avec Si tu veux (que je chante), qui est en même temps une chanson d’amour et un règlement de comptes adressé à Barclay sans même faire semblant. Plus loin,