Covid-19 et VIH, chorus pour des virus

Bobi Wine & Nubian, Corona Virus Alert (Ugandan Music, 2020)

Quelles chansons cette pandémie du coronavirus va-t-elle laisser derrière elle ? Il est probablement encore trop tôt pour le dire, mais la liste des prétendantes commencent déjà à s’allonger dangereusement et il est temps de se poser dessus. C’est que le Covid-19 inspire le monde entier, chose rare, alors que les chansons « épidémiques » étaient jusque-là des éruptions localisées, ponctuelles, pas un incendie mondial – à l’exception des chansons sur le sida, on y revient justement ci-dessous, en face B. Citons, en vrac, les airs sur la peste qui nous sont parvenus du Moyen-Âge, la Chanson du timbre antituberculeux (1931) qui vantait une campagne française pour envoyer les enfants malades au grand air, le 1919 Influenza Blues d’Essie Jenkins (1965), sur la grippe espagnole, ou le Rockin’ Pneumonia and the Boogie Woogie Flu de Huey « Piano » Smith, qui s’amusait de maladies qui pourrissaient la vie de beaucoup de gens mal logés. Catégorie folk, Woody Guthrie a écrit un texte méconnu sur les maladies vénériennes, VD Blues, et Van Morrison, TB Sheets, une chanson pesante sur la mort d’une jeune femme de la tuberculose. La liste pourrait être encore très longue, mais ces chansons sont dispersées, un récit éparpillé. La crise du coronavirus, que la planète entière traverse à l’unisson, est tout autre, car tout le monde se met d’un coup à chanter la même histoire. À souffrir, s’organiser et espérer ensemble. Il faudra lister et étudier toute cette matière qu’un article du Los Angeles Times a nommé la « pandemic pop », mais des grandes familles de chansons commencent à se dessiner.

La première serait un sursaut combatif, avec le remix, par le producteur new-yorkais iMarkkeyz, d’un coup de gueule en ligne de la rappeuse Cardi B (« This shit is real ! »), ou cette All-Stars song chinoise tout à fait sirupeuse qui dit que « l’amour gagnera » à la fin. N’oublions pas non plus Pour les gens du secours, la « chanson d’amour » du trio improvisé à distance Obispo-Lavoine-Pagny, ou On fait comme si de Calogero, des chansons-doudou chargées de conjurer la pandémie bras dessus, bras dessous. Toutes ces œuvres tissent la fibre du positif et c’est un trait commun de la quasi-totalité des chansons du moment : quand les dernières crises avaient éclaté après des attaques et des attentats très difficiles à mettre en musique, celle-là se vit ensemble et se projette vers l’après.