Une lettre est arrivée. Il lui a fallu signer un accusé de réception pour la récupérer. Sur le coin gauche de l’enveloppe, il reconnaît le nom de l’entreprise pour laquelle il travaille, Faun Environnement, qui conçoit des bennes à ordures. Ça ne peut être qu’une mauvaise nouvelle. La suite logique des choses. Gabriel Fortin décachette l’enveloppe, sort le pli. Les mots se mélangent sous ses yeux : « Insuffisance professionnelle caractérisée par de nombreuses erreurs, de nombreux oublis lors de l’élaboration des plans et des lancements, ce qui traduit un manque de fiabilité évident dans votre travail. » Ou encore : « Vous ne délivrez pas le niveau de justesse et de qualité attendu. Vous persistez à penser que votre niveau de travail est suffisant, vous ne tenez pas compte des observations qui vous ont été formulées et nous n’avons pas d’amélioration dans la qualité de votre travail. » Le 24 décembre 2009, pour la quatrième fois de sa carrière, l’ingénieur en mécanique est licencié.
Dans sa cellule de prison, au sein du centre pénitentiaire de Valence, et alors qu’il a refusé de s’expliquer sur les trois assassinats et la tentative d’assassinat que la justice lui reproche (lire l’épisode 1, « 19 h 10, la première DRH est déclarée morte »), Gabriel Fortin rumine encore. Sur une feuille blanche, il a écrit en 2021 ou 2022 : « volonté de mettre à genoux + volonté d’humilier (Faun : la lettre envoyée le 24 déc !!!) ». Le courrier était signé Géraldine Caclin, directrice des ressources humaines. Le 28 janvier 2021, elle est morte, tuée de plusieurs balles, sur son lieu de travail. Comme pour l’autre DRH et la responsable indemnisation d’une agence Pôle emploi tuées quelques heures plus tôt, Gabriel Fortin est le seul suspect. Jugé devant la cour d’assises de Valence à partir de ce mardi 13 juin, il encourt trente ans de réclusion criminelle.
Après 2009, Gabriel Fortin n’a plus jamais travaillé. Son cercle social, déjà très restreint, s’est tari. Le Nancéen né en 1975 avait toujours été très solitaire. Les experts psychiatres mandatés pour tenter de faire la lumière sur la personnalité de l’accusé