«Pendant des années, j’ai été victime d’atteintes à ma vie privée, de vols, de surveillances. La justice savait ; la justice n’a rien fait. Elle est responsable de la situation car elle était défaillante. » Les derniers mots de Gabriel Fortin devant la cour d’assises de la Drôme ont la même couleur que les quelques phrases qu’il a bien voulu dire pour sa défense depuis le début de son procès. Répétées à l’envi et inscrites sur un petit bout de papier gardé dans sa poche de chemise. « Vous avez vos documents, j’ai les miens », a-t-il expliqué à la cour. Des supports écrits avec lesquels il a dénoncé une « enquête à charge » et pointé du doigt l’inaction des « personnes en capacité d’agir ». « Vous savez que vous prenez le risque d’être mal jugé en ne répondant pas aux questions, ou d’être jugé d’une manière qui ne vous conviendra pas ? », a souligné le président avant ce qui devait être son interrogatoire. Il n’a rien eu à dire de plus. Ce mercredi 28 juin 2023, Gabriel Fortin a été reconnu coupable des assassinats d’Estelle Luce, Patricia Pasquion et Géraldine Caclin et de tentative d’assassinat sur Bertrand Meichel (lire l’épisode 1, « 19 h 10, la première DRH est déclarée morte »). La cour d’assises de la Drôme a retenu l’altération du discernement de l’accusé et, avec deux jours d’avance sur le planning initialement prévu du fait de son mutisme, l’a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et vingt-deux années de période de sûreté.
« Je ne dirai plus rien. » À chaque question qui lui était posée durant cet interrogatoire expéditif, Gabriel Fortin a interjeté cette phrase. Quand l’avocat général lui a demandé, avec solennité et sans attendre, on le savait, de grandes révélations : « Avez-vous tiré sur Bertrand Meichel ? Avez-vous tué Estelle Luce ? Avez-vous tué madame Pasquion ? Avez-vous tué madame Caclin ? », silence de Gabriel Fortin. « Il n’entend pas vous en parler car il sait très bien que c’est établi, a souligné Laurent de Caigny, l’un des avocats généraux, lors des réquisitions. Finalement, la machine est là, elle marche, vous n’avez qu’à la regarder ! » La décision de la cour a donc tranché sur la préméditation des meurtres. Mais elle n’a pas levé le voile sur toutes les questions que l’on se posait avant l’ouverture de l’audience, le 13 juin dernier.

Le silence de l’accusé laisse la mort de Patricia Pasquion, notamment, dans un flou incompréhensible.