J’ai rencontré Patrice, ouvrier chez PSA, en 2012, après l’annonce de la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. J’ai rapidement découvert qu’il écrivait des haïkus, parfois pendant les réunions syndicales. Un jour, quand je suis arrivée chez lui dans l’est parisien pour l’interviewer, je l’ai trouvé au téléphone avec un poète irakien renommé, qui avait lu ses poèmes et l’encourageait à les publier. Il en a écrit un sur « la fatigue morale, la lassitude de tout », qui fait écho à un moment de son adolescence. Ça donne : « Pas de futur / La fatigue / dans l’écrasement des ombres. » Un poème « un peu punk », estime Patrice.
Comment dire la fatigue, comment nommer cette expérience subjective, qui n’a pas de réel synonyme, ni d’antonyme ? La langue française a inventé un certain nombre d’expressions qui méritent d’être relevées. Parce que les représentations