C’est un petit groupe bien silencieux qui s’est rassemblé devant la grille du Demie, le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers, en ce matin d’octobre. L’atmosphère est pesante. On échange à peine trois mots. Parmi la trentaine de jeunes migrants qui sont déjà là, bien en avance sur les heures d’ouvertures du lieu, certains ont même dormi dehors, juste à côté, pour être sûrs de pouvoir se frayer un chemin vers l’une des sept salles d’évaluation. Depuis le début du mois, ils sont beaucoup trop nombreux pour le petit Demie.
Alors, la plupart des jours, à l’entrée, les agents de la Croix-Rouge notent les noms, établissent des listes. À certains, ils donnent rendez-vous l’après-midi, à d’autres le lendemain pour un entretien. « Le flux, franchement, c’est dur à gérer, soupire Aminata, évaluatrice au Demie depuis mars 2017. Hier ou avant-hier, ces jeunes qui essayaient de rentrer et qui me regardaient comme ça… J’avais l’impression d’être à une frontière. Et ça m’a peinée. On sent dans leur regard qu’ils ont envie de rentrer, comme si c’était la délivrance, le moment où ils se disent : “C’est bon, je suis sauvé.” C’est hyper impressionnant. Et ça bouffe un peu. »
Aminata est loin d’être insensible aux personnes qu’elle traite. D’ailleurs, « bosser avec les mineurs isolés, c’était un choix, affirme-t-elle.