«Tu lui aurais donné quel âge, toi ? » « Ouh, mais je pense qu’il a au moins 25 ans, lui. » Devant les larges portes vitrées du Demie – le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés, dans le XIe arrondissement de Paris –, Marion et Aminata fument une cigarette. Les deux évaluatrices décompressent après leurs entretiens de l’après-midi. Il est bientôt 17 heures, l’heure de fermeture. Dans les couloirs étroits du centre opéré par la Croix-Rouge, le flot des jeunes se tarit. En route vers la sortie, la longue silhouette d’Ousmane file devant les jeunes femmes. Marion baisse le ton. Puis reprend : sur le cas du jeune homme qu’elle a interrogé deux heures durant (lire les épisodes 1 et 2), elle n’a « aucun doute. »
Pourtant, dans la petite salle surchauffée, il avait posé devant elle deux extraits d’acte de naissance indiquant qu’il avait 16 ans. Pour Marion, impossible de conclure à la véracité des papiers. D’ailleurs, ce n’est pas son rôle, tranche-t-elle : « Les documents, nous, on ne s’y fie pas. On ne fait pas d’authentification de documents. » Face à l’évaluatrice, seule la cohérence de l’histoire racontée, la posture, comptent. L’apparence aussi.